En ces périodes de fêtes, voici votre petit cadeau de Noël, le chapitre 2 de cette saga.
Merci de pousser les portes d’Althéa pour découvrir cette saga et merci d’en redemander !
Vous êtes au top !
©Jordane Cassidy – 2023
2
De l’espoir naît des colères
Les rayons du soleil parvenaient difficilement à traverser la pierre blanche accrochée à son cou, en général translucide à l’abri de la lumière aveuglante du soleil. Plus Callum l’admirait, plus il se sentait apaisé. C’était toujours ainsi. Il sentait la négativité l’envahir et il lui suffisait de serrer cette pierre dans sa main ou de la porter contre son plexus pour que ça le calme. D’ordinaire, son autre pierre, l’obsidienne noire, demeurait une des pierres qui absorbait le mieux les ondes négatives. C’était pour cette raison que son mana avait réagi à elle lors du test du Conseil Magique à l’époque de sa formation pour devenir chevalier et qu’elle était devenue sa pierre primordiale, sa pierre de combat incrustée dans sa dague. Avec du mana, l’obsidienne noire absorbait les ondes négatives et pouvait également en redistribuer en grande quantité à ses ennemis, comme ce fut le cas lors de son dernier affrontement contre Khan, et donc le soulager de ce stock négatif inépuisable en lui qu’il cumulait en plus de celles qu’il absorbait de ses ennemis.
Pourtant, la pierre blanche accrochée à son cou était bien celle qui lui apportait quelque chose en plus. Allongé sur une banquette sous le kiosque, il s’amusait à faire miroiter entre ses doigts face au soleil la gemme accrochée à son fil de cuir. Sa fascination était autant due à son origine inconnue qu’à son aspect mystérieux. Il sourit en repensant à la façon dont il l’avait obtenue. Le destin était quelque chose de bien étrange, tout comme cette pierre. Plus jeune, il avait appris la gemmologie et la lithothérapie. Il connaissait donc la majorité des pierres en ce monde : précieuses, semi-précieuses, d’ornement ou d’origine organique, et avait appris leurs vertus et usages. Il avait tenté d’identifier cette pierre, d’en trouver par ses caractéristiques le nom. En vain. Rien ne correspondait. Il avait pourtant cette possibilité de se rendre au Conseil Magique à Avéna pour pousser cette recherche auprès de chercheurs et autres spécialistes, mais il craignait également que son identification ne casse la magie que cette pierre lui apportait au quotidien. Tout ce qu’il savait était là, sous ses yeux. Une pierre blanche, translucide, mais qui à la lumière du soleil laissait apparaître dans sa composition d’aspect si pure quelque chose de troublant, mystérieux, mais en mouvement, au point d’en troubler sa composition et rendre la pierre plus laiteuse. Était-ce son mana aspiré à l’intérieur ? Ses ondes négatives que la pierre retenait pour qu’il n’en soit pas submergé ? Un pouvoir que la pierre gardait en elle ? Peut-être bien. Il n’en voyait que des effluves légèrement plus foncés tourbillonnant lentement. Était-ce son imagination ? Il n’avait jamais osé demander à quelqu’un si ce qu’il voyait était pareil pour tout le monde. Quelque part, cette part de mystère, il aimait l’entretenir. C’était comme une relation unique, privilégiée, qu’il souhaitait conserver entre le propriétaire originaire de cette pierre et lui. Un lien privé, secret, qu’il préférait garder pour lui.
En contemplant cette pierre, il partait dans une douce rêverie, se demandant une nouvelle fois ce qu’était devenue la personne qui lui avait confié cette pierre. S’il avait des espoirs de l’avoir retrouvée, il ne voulait pas trop y croire pour ne pas ressentir trop de déception s’il venait à avoir eu faux.
— Prends au moins ma pierre ! C’est mon cadeau pour m’avoir sauvé la vie ! Elle est unique, à ce qu’il parait !
Il ferma les yeux et les souvenirs revinrent. Cette petite voix, ces grands yeux pleins d’admiration et de gratitude, ce changement soudain de caractère dès que sa situation se fut améliorée grâce à lui, cette innocence teintée de maladresses et d’humour. La pierre avait atterri autour de son cou sans qu’il n’ait eu le temps de réagir. Elle lui avait alors souri et déposé un baiser à la commissure de ses lèvres. C’était la première fois qu’une fille l’embrassait. La première fois qu’une fille s’intéressait à lui. La première fois qu’il avait été gêné au point d’en perdre ses moyens, lui à qui on apprenait quotidiennement à ne jamais baisser sa garde. La première fois qu’une fille le demandait en mariage !
Il ouvrit les yeux et inspira un bon coup. Cette pierre était devenue son talisman. Si le mana de Cléry avait réagi à trois pierres lors de son initiation à la chevalerie, chez lui cela avait été différent. Seule l’obsidienne avait réagi à son mana, mais surtout, il n’avait pas prévu que cette seconde pierre interagisse plus tard avec son mana de façon si inattendue. Il était convaincu que c’était cette pierre qui le sauvait de sa propre négativité, si débordante, si féroce. Sa vie n’avait été qu’un flot continu de tristesse, de combats et de sang pour survivre. Comment ne pas être absorbé par la part sombre de son mana, comme Likone ? Il en avait acquis la certitude que cette pierre le protégeait, tel un bouclier pour ne pas se faire dévorer par ses propres démons, en plus des ondes négatives de ses adversaires. D’ailleurs, il se sentait à nu, inquiet, fragile, s’il ne la portait pas contre son plexus. Elle était devenue un indispensable à son bien-être.
Il la serra dans son poing et entendit les pas de quelqu’un marchant sur la pelouse pour venir à lui. Il se redressa. Un domestique s’avançait vers le kiosque.
— Seigneur, la Duchesse s’est réveillée. Monsieur Mills m’a demandé de vous prévenir de toute urgence.
Il s’inclina alors. Sans attendre un complément d’information, Callum se leva d’un bond et fonça vers le château.
Il dévala les marches du château, traversa les couloirs au pas de course, rasa les murs pour gagner un maximum de temps et de distance, serra chaque virage le souffle court dans un dérapage contrôlé et arriva enfin à la chambre d’Aélis. Sans même prendre la peine de frapper, il ouvrit grand la porte et la vit, debout, en pleine séance d’habillage. Margaux lui refermait sa robe dans un laçage dorsal. Aélis portait une robe fine en velours noir orné de son lacet argenté et de broderies de même couleur le long du buste. Il la trouva magnifique jusqu’à ce qu’il croise son regard et remarque sa grimace agacée.
— Et sinon, parce que vous êtes le Duc, vous oubliez les simples règles de politesse et omettez de frapper avant d’entrer ?
Callum la fixa un instant avant de sourire. Nul doute qu’elle était en forme si elle le réprimandait de la sorte dès son réveil.
— Désolé ! déclara-t-il en s’approchant d’elle. Après six jours de sieste, je commençais à croire que vous entamiez une hibernation ! Je m’attendais presque à voir un ours dans ce lit ! J’étais donc ravi d’entendre que finalement, vous ayez décidé de vous réveiller pour reprendre votre rôle de duchesse !
Aélis fit un « O. » offusqué de la bouche, auquel Callum rit légèrement.
— Laissez-nous ! ordonna-t-il à Margaux.
— Mais, Duc, je n’ai pas fini son laçage ! rétorqua Margaux, rigoureuse.
— Je m’en occuperai !
Les deux femmes restèrent muettes, mais interloquées par sa réponse. Il poussa pourtant avec panache la servante vers la sortie et referma la porte derrière elle. Il se tourna vers Aélis et combla une nouvelle fois les mètres les séparant.
— Tournez-vous ! lui ordonna-t-il.
Aélis hésita, gênée d’être habillée par un homme, mais obéit. Callum continua le laçage entamé par Margaux.
— Je serre ? demanda-t-il alors plus doucement tandis qu’Aélis pouvait sentir son souffle sur sa nuque et sur ses épaules légèrement dénudées.
— J’aimerais juste avoir le luxe de pouvoir respirer convenablement !
Callum sourit et, tout à coup, passa ses bras autour de sa taille pour la serrer contre lui. Aélis écarquilla les yeux et se figea.
— Je suis désolé. Je ne voulais pas te blesser.
Aélis ferma les paupières un instant avant de soupirer et de les rouvrir.
— Vous ne vouliez pas nous viser. C’était un accident.
— Je suis content de voir que vous allez bien.
Aélis sourit. Il oscillait de temps en temps entre le vouvoiement et le tutoiement quand il se voulait plus proche d’elle.
— Le docteur nous a dit que vous n’auriez pas dû survivre à un tel impact magique. Votre convalescence demeure tout aussi mystérieuse que l’absence de marque sur votre corps.
Aélis se tourna immédiatement pour lui faire face.
— Vous m’avez vue nue ? l’interrogea-t-elle alors, rouge de honte.
La jeune femme toujours enlacée dans ses bras, Callum sourit de son incommodité.
— Non ! lui répondit-il tout en frappant doucement son front du sien. Seulement Margaux et le docteur !
Un certain soulagement apparut sur le visage d’Aélis auquel Callum ne sut trouver une interprétation convenable.
— Nous étions tous inquiets. Les personnes ayant subi une telle attaque magique en dehors des chevaliers magiques ne ressortent jamais indemnes et vous êtes une femme ! Les dommages auraient dû être graves ! Pour plus de sécurité, je vais demander au docteur qu’il vous surveille quotidiennement.
— Je vais bien ! répéta Aélis, un peu agacée qu’on ne la croie pas. Je ne veux pas de surveillance de ma santé !
— Vous avez eu beaucoup de chance ! s’exclama Callum, inquiet.
Aélis s’éloigna de lui et s’approcha du lit.
— Vous croyez ?
Callum observa son dos orné de son laçage avec intérêt.
— À quel moment voyez-vous de la chance ? lui demanda-t-elle.
Elle attrapa alors le coussin sur lequel elle avait dormi durant six jours.
— Lorsque je découvre que mon mariage est le théâtre d’un affrontement ?
Elle se tourna alors et le frappa avec.
— Lorsque l’homme devenant mon mari semble savoir que cette attaque allait avoir lieu lors de cet événement et qu’il a préféré me le cacher ?
Elle frappa une nouvelle fois Callum de son coussin. Surpris par sa colère soudaine, Callum para le coussin de son bras qu’il utilisa comme bouclier.
— Lorsque je me rends compte que tout le monde savait sauf moi ?
Callum para un nouveau coup de coussin sur la tête, mais Aélis fut plus maline et en donna un second sur sa hanche qu’il ne put esquiver.
— Ou lorsque je découvre Sampa au milieu du champ de bataille alors qu’il est blessé et que je ne l’avais pas autorisé à reprendre ses fonctions ?
Les coups tombèrent sur Callum qui se contenta de reculer devant sa fougue.
— Comment avez-vous pu me… me mettre à l’écart de la sorte ?! cria Aélis, folle de rage à présent.
La colère fit place néanmoins rapidement à la déception. Callum put y voir un début de chagrin dans ses yeux meurtris par le sentiment de trahison.
— Je devais m’assurer que l’effet de surprise demeure pour qu’ils ne se doutent pas qu’on les attendait ! se justifia le Duc. Je n’avais pas le choix !
— On a toujours le choix ! répondit Aélis tout en lui donnant un nouveau coup de coussin. Je croyais qu’on était d’accord sur l’arrêt des secrets et des mensonges, sur le partage des informations entre nous pour la bonne marche d’Althéa.
Un nouvel assaut vint frapper le bras de Callum. Il recula encore et alla s’écraser sur la coiffeuse, balayant au passage quelques produits de beauté qui tombèrent au sol.
— Vous ne m’avez pas fait confiance !
La respiration saccadée et les larmes dévalant ses joues, Aélis laissa tomber le coussin au sol.
— Encore une fois, vous m’avez ignorée.
Callum baissa son bras et constata l’infinie tristesse se dégageant des paroles et de l’attitude de son épouse.
— Et vous osez vous excuser ensuite de m’avoir blessée avec votre magie ?
Elle tenta alors d’essuyer ses larmes et s’esclaffa, terrassée par l’amertume.
— Vous m’avez blessée bien avant cet accident magique ! Inutile de vous inquiéter pour moi tout à coup ! C’est trop tard !
Callum se releva et frotta ses vêtements pour les remettre en place. Il soupira, comprenant sa punition soudaine.
— C’est vrai, j’avais le choix. Dire à la femme qui devait m’épouser de force, que son mariage allait devenir en plus une excuse pour un affrontement dont elle était étrangère, que sa vie serait en danger, que son mariage serait gâché et sans doute incomplet, que des gens qu’elle aimait risquaient de mourir… C’est ça que vous vouliez entendre ? Vous, la jeune fille innocente qui rêve du mariage de ses rêves avec un homme sans doute merveilleux en tous points ? Vous oseriez me dire que vous auriez été capable de jouer la comédie en sachant tout cela ?
Tous deux se fixèrent, jouant le besoin de camper sur ses positions. Aélis s’éloigna de lui à nouveau et alla vers la fenêtre.
— Et donc vous estimez que le résultat actuel vaut mieux que de me l’avoir dit dès le début ?
Callum se frotta les cheveux et baissa la tête. Effectivement, ce résultat n’était pas des plus agréables non plus.
— J’aurais préféré un mariage plus calme également. Il n’est jamais agréable de jouer avec la vie des gens… J’aurais préféré également voir un début de bonheur sur votre visage plutôt que cette tristesse. Je suis désolé.
Aélis serra ses bras de ses mains, comme pour se réconforter de l’absence de douceur et de délicatesse dans ce résultat. Callum soupira de dépit.
— Sampa va bien. Il se repose… dans une chambre. Je lui ai octroyé ce droit, vu qu’il vous a protégée.
Aélis leva les yeux, atterrée par sa magnanimité soudaine.
— Dois-je en plus vous remercier pour lui de ne pas l’avoir renvoyé au cachot ?
Callum sourit en la voyant ironiser de la sorte. Elle était dure en négociation pour enterrer la hache de guerre.
— Il a souhaité se battre quand je lui ai dit qu’Althéa risquait d’être attaquée. C’est un soldat. Il a compris que son devoir l’appelait et que le danger risquait de s’abattre sur sa maîtresse. Je ne l’ai poussé à rien.
— Vous lui avez parlé de votre plan. Vous l’avez donc implicitement poussé à se battre plutôt que de passer pour un faible.
— Il a été sauvé de l’exécution contre la promesse de votre protection coûte que coûte. Sa survie n’a pas d’intérêt si elle ne répond pas aux raisons pour lesquelles elle est effective.
— Sa survie est de mon ressort, pas du vôtre.
— Son être tout entier dépend de son maître à partir du moment où il m’a prêté allégeance.
— Sauf que cette allégeance a été revue et annulée par la mienne.
— On n’annule jamais l’allégeance au seigneur de son fief, sauf si ce dernier le répudie. Autrement dit, je reste son ordonnateur. J’ai juste autorisé qu’il vous prête allégeance et vous serve également. Disons que je vous le prête et que donc, si je demande qu’il se lève pour vous protéger, il se doit d’obéir.
Aélis se tourna et revint à ses côtés. Le regard plus décidé que jamais, elle sourit et le jaugea.
— Pouvons-nous dire qu’à partir du moment où l’on se marie, on se prête allégeance l’un à l’autre ? Et que par conséquent, si j’ordonne d’être la seule décisionnaire du sort de Sampa, votre allégeance pour moi prend effet ?
Callum haussa un sourcil et s’esclaffa.
— Tout comme je peux dire que ma femme me doit allégeance quand il s’agit de mon souhait de la protéger coûte que coûte si j’estime qu’Althéa court un danger.
Aélis se mordit la lèvre, agacée de ne pas trouver de réparties à ses propos pouvant le faire taire. La crispation d’Aélis redonna de l’élan à Callum pour retomber sur ses pattes.
— Sauf si cette dernière arrive à me convaincre de céder à ses exigences les plus folles…
Il lorgna sur les lèvres de sa nouvelle épouse quelques secondes durant lesquelles Aélis comprit ses insinuations.
— Mais encore faut-il que ma chère épouse ait de quoi faire fléchir mon petit cœur de Chevalier de Sang ! Pas gagné !
Il lui fit un clin d’œil amusé. Aélis lui attrapa alors la chemise et déposa ses lèvres sur les siennes. Le baiser fut bref, mais suffisamment efficace pour surprendre Callum. Elle se détacha de lui, puis essuya sa bouche d’un revers de bras, avant de revenir poser sa main sur le cœur du Duc battant à tout rompre contre sa poitrine. Aélis se mit alors à sourire tandis qu’il lorgnait sur cette main touchant son cœur.
— Petit cœur de marbre semble bizarrement réagir tout à coup ! lui chuchota-t-elle, d’un minois de vainqueur. J’en déduis que j’ai gagné !
Elle quitta alors la pièce, laissant le Duc sur cette défaite inattendue.
Tu as aimé ce chapitre ? Lâche ton com’ !
↓↓↓
❤️❤️❤️❤️❤️❤️