Ne jamais contrarier une femme… 😜
Let’s go pour le chapitre 3 !
©Jordane Cassidy – 2023
3
Le dernier mot d’une duchesse
— Duchesse ! Je vous en prie ! Soyez raisonnable ! Vous ne devez pas sous-estimer votre santé !
— Je vous dis que je vais bien ! Je n’ai pas besoin d’un nouveau contrôle !
Aélis tentait de semer le docteur qui s’efforçait de lui courir après pour l’ausculter.
— Mais si je ne vérifie pas votre santé, le Duc va…
Aélis s’arrêta net et se tourna vers lui en entendant la mention du Duc sortir de sa bouche.
— Si le Duc vous fait la moindre réflexion, dites-lui qu’il vienne me voir et je lui dirai la suite !
Le médecin resta silencieux, ne sachant s’il devait vraiment insister auprès de la Duchesse d’Althéa et s’immiscer dans les problèmes relationnels des deux époux.
— Duchesse, si vous mourez, je suis moi-même un homme mort d’avoir été négligeant avec vous…
Le ton confus du docteur fit souffler d’agacement Aélis. C’était toujours la même rengaine.
— Ils tremblent vraiment tous devant lui ! grogna-t-elle pour elle-même.
Cela faisait trois jours qu’elle n’avait pas croisé le Duc. Leur accrochage dans la chambre à son réveil et sa sortie pour le moins inattendue les avaient laissés dans un état latent. Tout restait plus ou moins en suspens. Malgré ses excuses, Callum ne s’était pas expliqué davantage sur cette bataille, sur ses ennemis ou sur ce qui était ressorti de tout ça. Comme d’habitude, il continuait de la mettre à l’écart. Une sorte de lassitude la gagnait à devoir se battre pour être considérée comme une personne fiable. Elle estimait ne pas être celle qui devait faire le premier pas sur ce sujet. Il avait été averti et il savait ce qu’elle attendait de lui. Malgré tout, le silence de Callum à ce sujet la blessait. Le mariage ne changeait rien à leur relation. Tout restait fébrile et par-dessus tout, elle ignorait toujours quelle était sa réelle place à prendre à ses côtés, malgré son titre de Duchesse non officialisé lors du mariage par le Roi et celui d’épouse.
Elle savait cependant que faire suivre son état de santé de façon aussi rigoureuse et oppressante ne pouvait pas durer éternellement et qu’elle allait devoir se confronter à Callum Callistar pour obtenir plus d’indépendance à ce sujet, surtout qu’aucun signe inquiétant n’était apparu depuis son réveil.
— Très bien… Je vous propose d’aller le trouver dès maintenant pour que chacun puisse se libérer de cette contrainte.
Le médecin concéda ses propos non sans détourner son regard d’elle avec inquiétude. Ils se rendirent donc au bureau du Duc, sans invitation. Elle frappa à la porte et put entendre un « entrez ! » qui la conforta sur le fait qu’elle allait être enfin libérée de cette charge médicale.
Callum écarquilla les yeux en la voyant apparaître. Cléry, Finley et Mills étaient à ses côtés. Il semblait qu’elle venait interrompre une réunion… à laquelle elle n’était pas conviée, mais Mills, oui.
— Désolée si je vous dérange dans vos petits secrets ! déclara-t-elle alors, acerbe. Je souhaiterais parler à mon cher époux !
— Ma Duchesse ! s’exclama alors Finley, tout en allant à sa rencontre.
Il s’inclina devant elle.
— Bien le bonjour, Duchesse ! Ma journée sera belle puisque je vous ai vue ce matin !
L’agacement d’Aélis s’effaça légèrement devant l’exagération respectueuse de Finley. Mills sourit, Cléry se sentit obligé de saluer Aélis également et Callum grimaça devant ce cirque.
— Effectivement, vous semblez bien plus ravi de me voir que mon cher époux !
Finley se tourna vers le Duc qui leva les yeux tout en soufflant.
— Que voulez-vous ? l’interrogea alors le Duc.
Aélis attrapa la manche du docteur et le présenta à lui.
— Que vous disiez à notre cher docteur que ce n’est plus la peine de venir m’ausculter !
— Même pas en rêve ! répondit du tac au tac Callum.
Aélis fronça les sourcils, peu satisfaite de cette réponse.
— Vous pouvez disposer. Nous sommes en réunion ! continua Callum, tout en s’affairant devant son bureau. Nous n’avons pas davantage de temps à perdre.
Aélis croisa les bras, ne voulant pas en démordre et n’aimant pas sa façon expéditive de la congédier sans prendre le temps d’en discuter.
— Tout le monde dehors ! tonna alors la voix grave de la Duchesse.
Les personnes dans la pièce la dévisagèrent, incrédules de l’entendre émettre un tel ordre, allant à l’encontre celui du Duc.
— Oooh moi, je sors ! s’exclama Finley. Il n’y a rien de pire qu’une femme en colère ! Même Dieu ne peut rien contre ça ! Viens, Cléry !
Il passa son bras sous celui du prêtre pour quitter la pièce.
— Personne ne bouge de cette pièce ! gronda le Duc. La Duchesse attendra !
Aélis plissa les yeux en constatant les réticences du Duc, puis sourit.
— Très bien ! Je vais attendre !
Elle prit une chaise et s’assit.
— De quoi parliez-vous ? Il me semble que j’ai le droit de le savoir puisque je suis Duchesse !
— Tu n’as pas été intronisée ! rétorqua le Duc.
Le docteur toussota, gêné de voir la familiarité du couple lavant son linge sale devant tout le monde.
— Je vais vous laisser et attendre dehors.
Il s’extirpa rapidement de ce qu’il estimait être un guet-apens. La porte claqua derrière lui, laissant un léger silence dans la pièce. Finley n’osa plus prononcer un mot. Cléry, flegmatique, soupira de lassitude. Mills, le visage toujours bienveillant, se contenta de sourire devant ce spectacle intéressant.
— Aélis, tu as été blessée. Il te faut quoi de plus pour comprendre ?! s’énerva Callum.
Aélis se leva de sa chaise, belliqueuse.
— Des explications ! Justement !
Elle se tourna alors vers les trois serviteurs.
— Me considérez-vous comme une simple noble ou véritablement comme votre Duchesse ?
Cléry et Finley se regardèrent, sentant bien le piège venir selon la réponse. Mills, moins gêné, répondit.
— S’il n’y avait pas eu l’intervention de ces brigands lors de votre mariage, vous seriez effectivement couronnée par le Roi Mildegarde comme Duchesse d’Althéa.
— Voilà ! s’écria Callum, ravi d’entendre cela, tout en montrant de sa main ce qu’il considérait venant de la bouche de Mills comme la vérité absolue.
— Cependant, reprit Mills devant la satisfaction du Duc tout à coup mise à l’épreuve, cette attaque ne change rien au fait que vous le serez tôt ou tard. Donc, à mes yeux, aujourd’hui ou demain, cela n’a pas d’importance, puisque c’est votre destin d’embrasser Althéa…
Mills regarda alors Callum avec un petit sourire.
—… et son Duc !
Les pommettes rougies, Callum se sentit soudain gêné par ses mots.
— Par conséquent, à mes yeux, vous êtes et resterez ma Duchesse !
— Traître ! marmonna entre ses dents le Duc.
Malgré le coup d’œil assassin jeté sur Callum, Aélis remercia Mills de sa loyauté en baissant la tête légèrement. Elle se pencha ensuite vers Cléry et Finley. Le chevalier blond observa la réaction du Duc, qui comprit que c’était plié en remarquant l’hésitation de ses sujets.
— Je me suis engagé à vous protéger, répondit solennellement Cléry, à la demande du Duc Callistar et devant le Seigneur. Je ne peux donc revenir sur ma parole. Vous êtes la Duchesse, peu importe le caractère officiel ou non, de ce statut pour l’instant.
— Merci, Cléry, pour votre loyauté.
— Vous êtes vraiment fatigants tous les deux ! s’agaça alors Finley. Pourquoi dois-je trancher entre l’un et l’autre ?
Il montra respectivement Aélis et Callum.
— Je ne veux pas être l’arbitre de vos querelles d’amoureux !
— D’amoureux ! répétèrent Aélis et Callum, stupéfaits par ce qualificatif.
— Où as- tu vu de l’amour dans mon refus de l’impliquer ?! s’expliqua le Duc. C’est juste de la logique et de la prévention !
— Jamais je ne tomberai amoureuse de cet homme ! renchérit Aélis tout en désignant le Duc avec un certain dédain sans pour autant savoir comment le désigner réellement.
Cléry pouffa en voyant combien la spontanéité de Finley était toujours aussi percutante.
— Ce n’est pas drôle, Cléry ! s’énerva Callum.
— Ne vous en prenez pas à mon chevalier ! le défendit alors Aélis.
Callum tapa la paume de ses mains sur son bureau avec colère.
— Mon… Mon chevalier ? répéta Callum, le sourcil tressautant à l’écoute de cette évocation pour le moins possessive.
— Parfaitement ! lui tint tête Aélis. Vous venez de l’entendre, non ? Cléry me considère comme sa Duchesse et a accepté de me servir. De ce fait, en retour, je lui offre ma protection, comme tous les soldats qui me protègent. Par conséquent, si vous vous en prenez à lui, vous avez affaire à moi !
Callum ferma les poings contre le bureau. La veine palpitant de colère sur sa tempe, il plissa les yeux et serra les dents jusqu’à se décider à contourner le bureau pour lui faire face sans obstacle entre eux.
— Nous repartons donc sur le même discours qu’avec Sampa… Je vois… Vous comptez me faire définitivement taire pour que je cède à leur Duchesse leur unique allégeance en m’embrassant aussi sur la bouche pour chacun de MES chevaliers et soldats ?
Les yeux comme des billes à cause de sa stupeur devant l’indicible, Aélis se raidit avant de ressentir la honte l’envahir en voyant la tête d’abord surprise, puis régalée de Cléry, Finley et Mills devant cette révélation. Le visage rouge écarlate devant les petits sourires et gloussements à peine offusqués des trois hommes, Aélis se dirigea vers la porte et l’ouvrit.
— Tout le monde dehors !
La voix de la Duchesse, grave, presque funèbre, fit frémir Finley qui regarda instinctivement Callum, l’œil vif, sans doute partagé entre la colère et le défi de tenir tête à son épouse. Mills fit le premier pas vers l’extérieur et sourit à Aélis d’un air empressé de les laisser seuls. Cléry suivit, puis Finley. Cette fois-ci, Callum les laissa quitter la pièce sans la contredire. Aélis claqua la porte derrière eux et s’approcha de lui.
— Comment osez-vous déballer notre vie privée en public ?!
Droit dans ses bottes et l’air goguenard, Callum s’appuya contre le bureau d’une main et sourit.
— Vie privée, vous dites ? Un baiser comme marchandage et c’est ça, votre vie privée ? Ai-je raté quelque chose de plus ?
Face à cette pique cinglante, Aélis secoua la tête d’amertume.
— Effectivement, c’est déjà trop pour vous ! J’ai été trop généreuse ! Je ne ferai pas deux fois la même erreur ! C’était le dernier baiser !
— Parfait ! contourna alors Callum. Donc on est d’accord pour dire que Cléry, Fin et Mills restent sous mes ordres ! Affaire réglée.
Aélis serra les pans de sa robe de rage. Callum Callistar était un homme de combat redoutable autant par son épée et son pouvoir que par ses mots. Elle le regarda alors retourner s’asseoir derrière son bureau et s’affairer à nouveau au milieu de dossiers, puis la tristesse la gagna.
— Si tous se sont accordés à reconnaître que j’étais leur Duchesse, vous êtes le seul à ne pas le faire. Pourquoi ? Je dois dire que je m’attendais plus à ce que les serviteurs soient hostiles à mon commandement, mais finalement, c’est celui qui devrait m’appuyer le plus qui ne me considère pas en tant que telle… Que vous ai-je fait ?
Callum s’interrompit et regarda un point au loin. Il ferma ensuite les yeux et soupira.
— Aélis, en te tenant éloignée de ce qui se préparait le jour du mariage, tu as toutefois fini blessée. Si je t’autorise à t’impliquer dans nos combats de près comme de loin, la prochaine fois, ce sera peut-être la mort qui t’attendra !
Il tourna alors sa tête vers elle, le regard dur. Elle s’esclaffa, affectée par cette réponse.
— J’ai été enlevée, menacée, j’ai failli mourir étranglée, j’ai même reçu une attaque magique et le tout en me tenant éloignée de vos secrets ! Il faut croire que cette stratégie n’est guère efficace, Callum Callistar. Je côtoie déjà la mort ! Sans parler d’être l’épouse du Chevalier de Sang ! Si ça, ce n’est déjà pas mortel !
Le Duc esquissa un sourire à sa dernière remarque. Il concéda néanmoins son propre échec à la protéger même dans de telles conditions. Il se leva et la contempla un instant.
— C’est vrai, il semblerait que la femme que m’a confiée le Roi soit, que je le veuille ou non, un aimant à problèmes…
Il observa son visage déçu, puis lorgna sur ses lèvres.
— Et ce, à tous les niveaux…
Il s’éloigna d’elle tout à coup et alla regarder le jardin par la fenêtre, les mains dans le dos. Il mit un temps avant de parler à nouveau.
— Nous allons repartir…, avoua-t-il gravement.
— Quoi ?
— Je prends un bataillon avec moi.
— Vous allez vous battre contre eux à nouveau ? s’inquiéta alors la jeune femme.
— Non, nous n’avons pas de piste pour l’instant. Les prisonniers ne diront rien, nous avons déjà eu l’exemple auparavant. Le Balafré est mort et le peu d’informations que j’ai obtenues lors de mon combat ne m’a pas plus avancé sur la suite. Quant au chevalier ayant combattu le Roi, je n’ai pas eu d’informations dessus non plus. Le Roi est resté bizarrement très évasif concernant son combat. Même si je n’aime pas ces mystères autour d’eux, je ne peux que me contenter d’attendre une nouvelle manifestation de leur part pour agir.
— Alors où allez-vous ?
— Nous avons reçu une missive demandant un soutien militaire à la frontière nord-Ouest d’Avéna. Je prends donc un bataillon pour venir en renfort aux troupes du Roi contre celles du Royaume d’Ayolis qui semblent en mouvement.
Aélis baissa les yeux, attristée finalement d’entendre cette nouvelle.
— Vous partez… longtemps ?
Callum se tourna vers elle.
— Je l’ignore. J’espère ne pas m’y éterniser. Je n’aime pas cette menace qui plane toujours sur Althéa alors que je serai absent.
Devant la mine inquiète du Duc, Aélis eut un sursaut d’orgueil.
— Althéa ira bien durant votre mission. Je m’en assurerai !
Un peu surpris par son élan soudainement réconfortant et son assurance, Callum chercha à comprendre son revirement de comportement, l’instant d’avant pourtant plus à l’opposition. Il se rapprocha d’elle et se pencha devant son visage pour chercher le piège.
— Dois-je y percevoir tout à coup une pointe de réjouissance à me savoir parti loin de vous ? demanda-t-il alors, les yeux méfiants.
— Puisque vous me partagez vos secrets au compte-gouttes, j’ai décidé que j’en ferai de même avec les miens ! Chacun ses missions ! Vous ne voulez pas que je sois dans vos petits papiers sur les affaires extérieures, alors je vais juste m’occuper des miens à l’intérieur d’Althéa… avec leurs lots de dangers !
Le sourire légèrement faux d’Aélis ne provoqua guère de soulagement pour Callum.
— Vous êtes vraiment prête à tout pour que je m’énerve et que je craque ?
Le sourire d’Aélis s’effaça en une grimace d’incompréhension, avant de baisser les yeux et rougir légèrement.
— Vous refusez de compter sur moi pour gérer Althéa et de m’inclure dans vos réunions. Je n’ai donc d’autres choix que de m’imposer autrement.
Callum se redressa et la toisa quelques secondes. Il posa sa main sur le haut de la tête de la Duchesse et la caressa légèrement pour ne pas défaire sa coiffure.
— Ne mettez pas non plus Althéa sens dessus dessous pendant mon absence ! déclara-t-il alors tout en s’éloignant d’elle.
— Il vous faudra d’abord revenir vivant pour voir cela !
Callum se retourna, surpris. S’il y avait eu des femmes qui avaient attendu son retour avec impatience, c’était sans doute la première fois qu’on l’obligeait à revenir en un seul morceau simplement par défi. Il sourit alors.
— Je n’ai pas dit que vous pouviez me détrôner non plus à l’intérieur des murs ! Vous êtes juste ma suppléante ! Rien de plus !
Aélis se dirigea vers la porte.
— Pas suppléante ! Duchesse ! Et pas « La » Duchesse, mais « Ma » Duchesse ! Souvenez-vous de la leçon au petit garçon !
Elle lui fit un clin d’œil et claqua la porte derrière elle. Callum resta un instant à contempler son départ avec rêverie.
— MA Duchesse ?
Il s’esclaffa, ne voulant croire à ce désir de possession qu’elle souhaitait lui insuffler pour qu’il revienne vivant.
— Elle prend de plus en plus d’assurance… Dois-je vraiment m’inquiéter de cela ? Elle pourrait vraiment me détrôner !
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