Catégorie : LOMCTR3
Protégé : LOMCTR T3 : Le coeur ou la raison – chapitre 2
LOMCTR T3 : Le coeur ou la raison – chapitre 1
Ils sont de retour !
Souvenez-vous ! Callum a découvert qu’il avait un démon légendaire en lui, Noctis, et Aélis porte en elle la Protectrice, l’ennemie jurée de Noctis.
Aélis doit, malgré ces révélations, partir au chevet de sa mère malade à Piléa.
©Jordane Cassidy – 2023
1
Déterrer des souvenirs.
Il y a trois ans…
— Votre Majesté, au rapport !
Le Roi Mildegarde regarda son lieutenant de travers.
— J’espère que les raisons qui vous conduisent à me déranger en plein repas avec la famille royale sont pertinentes, Lieutenant Gomi.
Le lieutenant s’inclina devant la famille royale.
— Je suis désolé de vous déranger, mais je dois vous informer d’un fait grave.
— Un fait grave ? Rien que ça ?!
— Nous avons essuyé une attaque, Votre Majesté ! Les geôles ont été partiellement détruites.
Hélix Mildegarde s’interrompit tandis qu’il essayait d’arracher la chair d’un pilon de poulet avec ses dents. Il le posa alors dans son assiette en silence et s’essuya les mains, puis la bouche, à présent tout à son écoute.
— Comment ?!
— Des prisonniers ont pris la fuite, à la suite d’une intrusion.
Dans un geste brusque, le Roi se leva de son siège.
— Qui a osé attaquer la prison ?! s’exclama-t-il alors, dans un cri de colère.
— D’après les premières informations recueillies, il semblerait qu’un chevalier magique se soit infiltré dans les geôles et qu’il ait semé le chaos au milieu des gardiens et des prisonniers. Je suis désolé. J’ai manqué à ma mission, Votre Majesté. Je devais en assurer la sécurité, mais je n’étais pas présent au moment de l’attaque. Je pense que tout était prévu pour parvenir à la réussite de cette attaque, y compris de connaître mon emploi du temps…
Le soldat s’agenouilla, se mettant à la merci du châtiment du Roi. Cependant, Hélix Mildegarde ne s’attarda pas sur la culpabilité de son lieutenant en charge de la prison d’Avéna.
— Un chevalier magique, tu dis ? Sa description ?! lui ordonna alors le Roi.
— D’après les prisonniers qui ont préféré rester de peur des représailles plutôt que de s’enfuir, ce serait un homme d’une cinquantaine d’années avec des lunettes.
— Un chevalier à lunettes, tu dis ?…
Hélix Mildegarde se rassit pour réfléchir et trouver qui, à sa connaissance, pouvait correspondre à ce descriptif. Il n’y avait pas des milliers de chevaliers magiques au royaume.
— Il semblerait que son pouvoir magique soit de type… aqueux.
Le Roi écarquilla les yeux, devinant soudain l’identité du chevalier. Il releva la tête vers son soldat, la mine plus inquiète. Son lieutenant ferma un instant les yeux avant de les rouvrir pour annoncer l’objectif de cet assaut contre la prison.
— Il est venu libérer votre frère, Gésar Mildegarde. Il s’est enfui avec lui.
Les yeux d’Hélix Mildegarde s’assombrirent. Il ferma le poing et serra ses doigts de toutes ses forces, de rage.
— Maudit sois-tu… Khan !
Aujourd’hui…
Hélix Mildegarde contempla sa chevalière d’un air songeur. Un souvenir lui revint en mémoire… Ils avaient huit et onze ans à l’époque.
« — Hé ! Hélix ! Regarde ce que j’ai appris ! déclara Gésar, les pupilles brillantes.
Hélix regarda son grand frère en coup de vent avant de se replonger dans ses livres.
— Merveilleux coup d’épée ! lui déclara-t-il d’un ton monotone.
— Contemple-le bien ! Il va servir le royaume bientôt ! se gaussa Gésar. Père a dit que j’irai bientôt combattre avec les troupes royales.
— Réjouissant !
— Arrête d’être cynique et sors un peu de tes livres, Hélix !
— Les livres sont aussi d’excellents outils pour gagner un territoire ! Tu devrais en lire, futur Roi !
— Et toi, tu devrais prendre aussi une épée pour protéger ton futur Roi !
— Il saura se défendre sans moi ! Regarde le magnifique geste qu’il vient d’apprendre !
— Fais le malin ! Tu verras ! Père sera fier de moi ! Je veux être son digne successeur ! Et tu seras mon premier conseiller, Hélix !
— Je n’attends que ça ! lui répondit Hélix avec ironie.
— Un jour, j’hériterai de la chevalière de Père ! Il m’a promis qu’il me la donnerait le jour de la succession. Je suis après tout le fils héritier du trône !
Hélix souffla, dépité par tant de futilités à ses yeux.
— Tout ça pour une bague… Il y a tellement d’autres choses à découvrir que la guerre et la gouvernance d’un royaume.
— Pourquoi n’aimes-tu pas l’idée d’être Roi, frangin ?
— Parce que l’on n’est jamais en paix !
Hélix ferma son livre et le quitta.
— Je t’apporterai la paix ! Je te le promets, Hélix ! »
Hélix souffla à ce souvenir.
— Tu parles ! Tu ne m’amènes que des ennuis !
Un soldat vint alors le trouver dans la grande salle du trône.
— Votre Majesté ! Au rapport !
— Sempiternelle phrase… Parle !
— Nous n’avons toujours aucune trace de Messire Gésar ni du chevalier magique Khan. Il semble que leur activité soit discrète depuis le mariage du Duc Callistar. Nous n’avons pas eu d’autres vols de pierres depuis ni eu vent d’attaques d’un chevalier avec le descriptif du chevalier Khan.
Hélix contempla à nouveau cette fameuse chevalière à son doigt, héritée de leur père, d’un air songeur.
— Que comptes-tu faire, mon frère, maintenant que tu as le corps d’Ilina ? À quoi cela t’avance-t-il de le récupérer ?
Un grand livre se referma dans un amas de poussière. Le Grand Gardien soupira, agacé de ne pas trouver plus d’informations sur Noctis.
— Alors ? Toujours rien ?
Kizo apparut sur le pas de la porte de son bureau.
— Non… Je n’ai aucun témoignage stipulant que ce démon ait déjà pris possession d’un corps.
— Je suis sûr qu’il y a un moyen d’inverser cette possession et de rendre à Callum l’entière propriété de son corps ! l’encouragea Kizo, optimiste. Peut-être devrions-nous nous pencher sur des cas de possession de démon de niveau plus faible et adapter une formule pour ce démon et sur l’exorcisme.
— C’est une idée… Séparer le démon de Callum Callistar nous permettrait de gagner un soldat contre ce démon. Après tout, Callum est un chevalier émérite. Cependant, j’ai aussi l’intime conviction que l’en séparer ne serait pas judicieux pour l’hôte.
— Tu crains que la séparation se passe mal et que Callum en paie le prix fort, et nous aussi ?
— Oui. Le démon pourrait altérer le corps de Callum s’il sent qu’on tente de l’en séparer.
— Alors, pourquoi chercher des témoignages de possession dans ces livres ?
— Nous avons une théorie sur cette possession avec le Roi Mildegarde. Nous pensons que Callum a ce démon depuis la naissance. Il a toujours manifesté ce déséquilibre des forces en lui entre le Bien et le Mal. Partant de ce principe, si ce démon est présent depuis sa naissance, cela peut donc signifier que c’est la mère de Callum qui aurait pactisé avec le démon lors de la grossesse.
— Sa mère ? Mais…, on ignore qui c’est ! Il a toujours été orphelin. Et pourquoi offrir son fils à un démon ?
— Pour tout te dire, Kizo, la vérité sur les origines de Callum a été cachée par le Roi volontairement, et aujourd’hui, tant que nous ne savons pas ce qu’il s’est réellement passé avec sa mère, nous devons conserver ce secret.
Kizo le fixa gravement.
— Pourquoi conserver un tel secret ? Qu’y a-t-il d’important à cacher dans les origines de Callum ?
Le Grand Gardien sourit avec amertume.
— Certainement qu’il y a des souvenirs du passé que le Roi a préféré enterrer, pour le bien de tous…
— Effectivement, vu les dernières révélations, la vie de Callum Callistar semble bien compliquée !
— Et elle peut l’être encore plus selon ce que nous garderons pour nous et ce qui se révèlera à lui. La question est donc de savoir si cette possession a été volontaire ou involontaire de la part de sa mère. Soit elle a convoqué le démon pour qu’il interfère d’une quelconque manière et Callum risque de mal accepter cette issue, soit elle l’a rencontré par hasard et c’est lui qui s’est servi de sa grossesse pour répondre à des desseins plus troubles. Dans ce cas, Callum pourra l’admettre plus facilement comme une fatalité.
— Dans tous les cas, quelle tristesse si cette possession date réellement de cette période !
Kizo ne cacha pas sa compassion pour cette femme inconnue qui avait dû beaucoup souffrir aussi.
— Quel sentiment a pu éprouver cette mère lorsque le démon s’est réfugié dans son ventre ?
Le Grand Gardien contempla le livre qu’il venait de refermer avec amertume.
— La tristesse d’une mère n’a d’égale que celle de son fils orphelin aujourd’hui…
Cléry referma un vieux livre emprunté au Conseil Magique concernant la Protectrice. Il avait ainsi un peu plus d’éléments sur les attentes du Grand Gardien la concernant. Elle était un symbole du Bien, une légende, elle aussi. Il comprenait combien la réapparition de la Protectrice avait une importance dans la lutte du pouvoir contre le Mal. Il soupira et se décida à ouvrir les portes de l’église, avec sérénité. En cette matinée, le soleil était au rendez-vous et l’air frais du matin annonçait un redoux évident pour la journée. Pourtant, quelle ne fut pas sa surprise en trouvant le responsable du cimetière devant lui, attendant l’ouverture des prières en ce lieu saint.
— Bonjour Monsieur Ratule. Les bras du Seigneur sont grands ouverts pour vous !
Il lui céda le passage devant l’entrée de l’église et l’homme entra, le visage visiblement tracassé. Sans un mot, Monsieur Ratule le salua d’un signe de tête et se dirigea vers le confessionnal, après avoir fait un signe de croix devant l’autel. Cléry soupira, navré de voir combien ses fidèles pouvaient trouver autant de tracas dans leur quotidien, au point de chercher une aide religieuse dès la première heure de la matinée. Il sourit finalement. Sa mission était de les soulager, peu importe l’heure. Il se dirigea donc à sa suite en silence et s’installa dans la partie du confessionnal dédiée à l’homme d’Église.
— Mon Père, je viens à vous, car le poids de ma culpabilité me ronge depuis trop de temps. J’ai péché d’orgueil et de paresse.
— Que vous arrive-t-il, mon fils, pour vous accabler à ce point d’une culpabilité ?
— J’ai caché un fait important à la communauté et à notre Duc. J’ai manqué à mes devoirs par simple orgueil, pour un fait outrageant pouvant avoir des conséquences…
Cléry sentit l’homme très mal à l’aise, inquiet.
— Je vous écoute.
— J’ai découvert qu’une tombe a été profanée…, le jour du mariage du Duc. Le cercueil avait disparu… Dans un élan de panique, j’ai recouvert le trou et j’ai fait comme si rien ne s’était passé. J’avais peur qu’on me juge d’incapable. Je suis après tout le gardien du cimetière. C’est mon rôle de surveiller les tombes. Si l’une d’elles est endommagée, la responsabilité me sera incombée et… pour ce cas, j’ai pris peur en réalisant les répercussions sur mon avenir. Seulement…, plusieurs semaines après, la terre a de nouveau été remuée et là, j’ai complètement paniqué. Peut-être que quelqu’un a su que j’avais tu cet outrage. Peut-être qu’on essaie de me faire peur… Peut-être que c’est « Elle » qui revient me hanter ! Je ne dors plus ! Elle va venir emporter mon esprit en enfer !
Le gardien du cimetière s’attrapa les cheveux dans un geste de démence.
— Calmez-vous, mon enfant. Vous dites qu’une tombe a été saccagée ? Vous savez, si votre culpabilité d’avoir délibérément omis de le signaler est effective, la culpabilité de celui qui a troublé le sommeil de nos morts l’est encore plus. On ne sort pas nos morts du repos éternel. C’est un blasphème. Le Seigneur sera beaucoup moins clément envers cette personne. La question est de savoir pourquoi on s’attaquerait à une tombe, à deux reprises. Peut-être serait-il judicieux de déposer une plainte pour lancer une enquête ?
— Mais s’il y a enquête, je vais être puni par le Duc ! Je ne voulais pas déranger le Duc dans son bonheur de nouveau marié avec une telle affaire et ensuite, je me suis dit que c’était trop tard. Maintenant, je me rends compte que j’ai compromis autant de preuves que d’espoir de résoudre cette énigme à cause de ma faiblesse !
— Il n’est jamais trop tard pour réparer ses erreurs ! rétorqua d’un ton sûr le prêtre. Dites-moi, vous avez dit « elle va revenir me hanter… », de qui parliez-vous ?
— Il ne s’agit pas de n’importe quelle tombe… C’est celle de l’ancienne Duchesse d’Althéa : Dame Averhill !
— L’ancienne Duchesse d’Althéa ? répéta alors Cléry, surpris et songeur.
— Oui… Comment peut-on commettre un tel sacrilège le jour où une nouvelle Duchesse doit prendre la gouvernance de la cité ? Qui peut vouloir infliger un tel affront au Duc le jour de son mariage ?
Cléry resta tout aussi abasourdi par cette annonce.
— Déjà qu’il a dû essuyer cette attaque en pleine cérémonie… continua le gardien du cimetière, désolé.
Cléry écarquilla les yeux et une hypothèse traversa son esprit. La coïncidence semblait grosse, mais en même temps…
Il sortit alors du confessionnal et se montra à Monsieur Ratule.
— Montrez-moi la tombe ! Immédiatement !
— Mais… ? Et ma repentance ?
— Le Seigneur verra en vous un premier pas vers le pardon si vous me conduisez à cette tombe !
Le gardien le guida à travers les rangées de tombes jusqu’à apercevoir au fond du cimetière une grande stèle surplombant les autres. Cléry fronça les sourcils et se hâta.
— La voici ! lui déclara l’homme. Son père, le Duc Averhill, est juste à côté.
Cléry remarqua alors la différence immédiate de traitement de faveur entre les deux tombes. Si la tombe de la Duchesse était majestueuse et indiquait volontairement la mise en avant de la personne qu’était cette femme, celle du Duc était discrète, sans ornements. Il contempla les épitaphes. La Duchesse était morte il y a vingt-cinq ans. Le Duc il y a treize ans.
— Pauvre homme…, commenta alors le gardien du cimetière. Il aimait tellement sa fille. Il ne s’est jamais remis de son décès. Déjà, la disparition de son épouse l’avait profondément meurtri, celui de sa fille l’a achevé…
— Comment est-elle morte ? J’avoue ignorer l’histoire d’Althéa.
— En couche ! Ni le bébé ni elle, n’ont survécu. Ce fut un traumatisme incurable pour son père. Il aurait tout donné pour elle.
— Cela se voit. Il suffit de comparer les deux tombes.
— Il ne voulait pas d’un caveau familial où il aurait pu la rejoindre. Il se sentait responsable de sa mort et estimait qu’il ne méritait pas les mêmes égards. Alors il s’est contenté d’un enterrement sobre à ses côtés. Il voulait qu’elle marque davantage les esprits que lui. Peut-être une façon de la faire exister encore maintenant aux yeux des gens. Quand ils viennent ici, ils la voient. Elle ne passe pas inaperçue.
Cléry s’agenouilla et toucha la terre. Il examina bien le lieu, puis visa le type de chaussure du gardien en correspondance avec les traces de pas légèrement effacées dans un coin de la tombe.
— Des bottes de soldats…
— Plait-il ?
— Il y a des empreintes partielles ici.
Il les montra au gardien qui observa plus attentivement le sol.
— Pour en avoir vu beaucoup sur le champ de bataille, ce sont des empreintes de bottes de soldats. L’armure et les bottes rendent le pas plus lourd. Il n’y a pas de crampons ayant emporté la terre. Les bottes de soldats en sont dépourvues, justement pour éviter de rendre l’armure plus lourde encore…
— Vous êtes en train de dire que ce serait peut-être la garde royale ?
— Pas forcément. Cela peut être un groupe de mercenaires aussi, mais l’armée royale était là, le jour du mariage. Cela reste plausible dans les deux cas. La question est de savoir qui était là la première fois, le jour du mariage, et qui est venu la seconde fois, lorsque vous avez remarqué que la terre a été à nouveau retournée ?
— Pour des mercenaires, l’hypothèse tient la route, mais pour la garde royale ? Pourquoi la garde royale ferait…
Le gardien s’interrompit dans sa réflexion et écarquilla les yeux. Cléry commençait à creuser de ses mains la tombe.
— Que faites-vous ? Vous n’allez pas, vous aussi… ?
— Vous n’avez pas vérifié si le cercueil a été remis en place, je parie ?
— N… non…
— Vérifions ! Cela confirmera l’hypothèse que quelqu’un est venu vérifier le vol du cercueil, avant nous !