Bonjour à tous !
Et nous voici au chapitre 14 ! Déjà ! Depuis le 1er chapitre en juillet, l'histoire a bien évolué. Lentement, mais sûrement. Camille et Valentin ont encore beaucoup à dévoiler, mais ce qui est surtout sympa de voir, ce sont ces petites habitudes qui vont naître entre eux. Et ce sont souvent les habitudes qui tendent à un attachement inattendu aux personnes avec qui on a ces habitudes ! ^^
© Jordane Cassidy - 2018
14
“Il est bien des amours qui commencent par le rêve et finissent par le sommeil.”
De Jean Sarment
Alors qu’Angélique devenait, à la fin du film, Marquise des Anges, Camille soupira d’aise, heureuse d’avoir pu voir une énième fois le premier film de cette saga si merveilleuse. Si au début, Valentin avait tenté de montrer sa présence en bataillant pour avoir un M&M’s de plus qu’elle, il avait vite fini par se faire discret, se laissant capter par le film.
Passer la soirée, allongée dans son lit à regarder un film avec son employeur était assez étrange. Une certaine gêne au début s’était fait ressentir de son côté, mais bizarrement Valentin avait détendu les choses en jouant le facétieux entre le film à commenter et ses M&M’s à trier par couleur. Il s’était aussi moqué de sa peluche représentant Maître Yoda de la saga Star Wars, comme protecteur de son sommeil depuis qu’elle était petite. Circonspect, il avait regardé la peluche en constatant qu’avec sa tête décousue, elle pouvait lui faire faire davantage de cauchemars que de merveilleux rêves. Yoda avait perdu un œil dans la bataille face au temps, oeil qui avait été remplacé par une couture approximative. Le bout de ses oreilles était mâchouillé au point que le tissu était décoloré et usé.
Les suce-t-elle encore aujourd’hui ?
Yoda avait vécu. Il n’en demeurait pas moins qu’il faisait un piètre protecteur avec cette dégaine.
Tandis que le générique de fin s’amorçait, Camille jeta un œil vers son patron. Sa confusion atteignit un stade apocalyptique lorsqu’elle s’aperçut qu’il s’était endormi avec Yoda dans ses bras. Le coin de ses lèvres se rehaussa dans un rictus contrarié. Elle l’observa une bonne minute. Il semblait être plongé dans un sommeil profond. Elle se mit finalement à sourire en voyant sa peluche fétiche dans ses bras. Son ami tout usé avait réussi à opérer sa magie sur son patron pour qu’il se sente en sécurité. Elle trouva alors la scène très mignonne, craquante. Plusieurs mèches de ses cheveux châtain clair retombaient sur le haut de son visage et lui donnaient un côté enfantin tout à fait charmant. Elle remarqua également ses longs cils lui assurant un peu plus sa gueule d’ange. Rien ne semblait pouvoir interrompre sa nuit. Avec précaution, elle lui réajusta ses cheveux vers l’arrière de la tête du bout des doigts afin de ne pas le réveiller, mais en vain. Ses mèches rebelles semblaient préférer dévoiler son côté vulnérable et beau à regarder.
Très vite, la question du « que faire ? » se posa. Le réveiller lui faisait mal au cœur. Il était souvent fatigué et le couper d’un sommeil profond était inhumain en son sens. Mais il dormait dans son lit…
Je dors où, moi, maintenant ?
Deux solutions se confrontèrent dans son esprit : dormir à côté de lui ou aller dormir sur le canapé dans le salon de la maison. Son indécision augmenta avec son plaisir de le regarder écraser Yoda contre lui. Dans un élan de malice, elle osa lui toucher le bout du nez avec son index pour voir s’il oserait manifester un grognement ou un reniflement accentuant son côté mignon, vulnérable. La tentative se révéla malheureusement inefficace ; Valentin affichait un sommeil de plomb.
Elle cala le plat de ses mains sous sa tête et détailla plus attentivement son bourreau angélique, l’ayant obligé à lui faire faire des crêpes et au final lui ayant mangé ses M&M’s Crispy. Sourcils pas trop épais, lèvres bien hydratées, petite fossette sur la joue quand il souriait. Son profil prenait plus de relief à ses yeux à présent.
Je vais bien lui trouver un défaut physique ! Je vais trouver ! Je vais...
Lorsque le réveil sonna le lendemain matin, ce fut comme un tremblement de terre soufflant un vent de panique pour Camille. Où ? Quand ? Quoi ? Comment ? Elle ne savait plus où elle campait. Les bips frénétiques du réveil agressaient ses oreilles et elle réalisa doucement qu’elle était dans son lit et qu’on était encore un de ces foutus matins où il fallait travailler. Machinalement, elle se tourna vers le maudit appareil rabat-joie, oubliant au passage un détail important : Valentin Duval. Elle l’écrasa sans vergogne pour atteindre le maudit bouton du réveil annonçant la fin du calvaire pour sa tête et ses oreilles. Le poids de Camille obligea Valentin à ouvrir les yeux, malgré sa profonde envie de dormir et les rappels à l’ordre de l’appareil.
Tous deux se retrouvèrent nez à nez, réalisant rapidement la complexité gênante de la situation qui les avait menés à cette position confuse, le corps de Camille sur le sien. Chacun se mit à rougir tout en louchant d’abord sur le regard de l’autre, puis sur leurs bouches si proches l’une de l’autre. Instinctivement, Camille s’écarta et Valentin se redressa en position assise de façon gênée. Il réalisa l’énormité de son erreur en balayant du regard le studio et en voyant Maître Yoda à côté de lui.
— Merde ! lâcha-t-il en se passant la main sur le visage et espérant qu’il dormait encore.
Il n’avait rien vu venir. Angélique s’époumonait à crier Joffrey et puis il avait fermé les yeux. Depuis, plus rien ne lui revenait en tête à part cette vague sensation de confort, de bien-être, comme s’il était dans une bulle.
— Il est six heures trente. Je vais préparer le petit déjeuner.
La voix monocorde de Camille et son regard fuyant annoncèrent la couleur de ce qu’allait être la journée.
— OK… répondit-il dans un souffle.
Il n’y avait pas grand-chose à ajouter sur sa culpabilité. Il lui serait mal avisé de lui faire le moindre reproche. Camille n’avait rien fait de mal en soi.
— Vous pouvez rester encore un peu au lit, si vous voulez.
Camille se leva et s’éclipsa rapidement du studio. Valentin entendit la porte claquer et se laissa à nouveau tomber contre le matelas. Comment désamorcer la bombe ? Que dire ou faire, face à ce malentendu ?
Est-ce un malentendu ? Non… Plus un accident ! Oui, la carte de l’accident est plus crédible…
Il attrapa Yoda et le leva au-dessus de sa tête.
— Crois-tu qu’il faille nier la nuit ou en parler ? Comment va-t-elle réagir, à ton avis ? Ça la fout mal, quand même ! Un patron qui s’endort dans le lit de son employée. Il ne faut surtout pas que Cassandre le sache, sinon je suis mort !
Valentin reposa la peluche et soupira.
— Nier ne servira à rien. Autant crever l’abcès et s’excuser…
Camille s’activa à la cuisine le plus possible pour combler ses pensées sur autre chose que ce qui venait de se passer.
J’aurais pu l’embrasser, ça aurait été presque pareil ! La honte !
Elle fit griller des toasts, qu’elle beurra ensuite et couvrit de confiture avec un état de stress à peine masqué. Elle prépara son bol de lait au chocolat et s’installa pour déjeuner, même si c’était la nourriture et la cuisine de son boss. Elle était trop perturbée pour rester stoïque devant les limites entre son employeur et elle.
En même temps, s’il ne s’était pas endormi, rien de tout ça ne se serait passé ! Oui ! Voilà ! Ce n’est pas ma faute ! Il m’oblige à agir bizarrement ! Je dois manger pour oublier ! Il n’a rien à me dire sur l’usage de son frigo, lui qui squatte mon lit !
Tandis qu’elle croqua son toast avec agacement, Valentin apparut. Instantanément, Camille fuit son regard et rougit. Valentin s’installa à côté d’elle en silence, puis la regarda mâcher son toast tout en évitant de mentionner le fait qu’elle dévorait une partie du petit déjeuner sous son nez. Il finit par en sourire. Il la trouvait mignonne dans son comportement pour compenser sa gêne.
— Pardon, Mademoiselle Bonin. Je crois que cette situation nous a un peu dépassés. J’en prends l’entière responsabilité évidemment.
Il fit une pause pour tenter de sonder les réactions de sa gouvernante qui ne mâchait plus à présent et semblait l’écouter. Elle tourna la tête alors pour le regarder et se leva pour lui donner son petit déjeuner.
— C’était un accident ! lui répondit-elle.
— Oui ! C’est ça ! acquiesça hâtivement Valentin, heureux de voir qu’ils étaient sur la même longueur d’onde.
— Vous étiez fatigué. Vous vous êtes obstiné à vouloir rester éveillé et voilà le résultat ! Je suis d’accord. C’est entièrement votre faute. J’accepte vos excuses.
Valentin ne sut comment interpréter ses propos qui ressemblaient à une plaidoirie dont il était l’accusé. Elle le fustigeait clairement. La responsabilité de la personne entraînant toute cette histoire ne faisait aucun doute : il était coupable ; elle avait donné sa sentence tel un avertissement dont il n’avait pas pris garde. Il se sentit comme un enfant qu’on recadrait après une bêtise. Si sur le coup il trouva cela vexant, il finit par en sourire aussi, car elle ne le punissait pas pour autant. Sa pédagogie lui plaisait. Il l’imagina devant des enfants et la voyait très bien leur inculquer des valeurs avec cette même diplomatie, à la fois sévère, mais juste. Telle une leçon de vie qu’il fallait retenir pour éviter à nouveau ce genre de désagréments.
Elle lui proposa ses quatre tartines toastées et recouvertes de confiture, puis son bol et son verre de jus d’orange.
— Je préparerai de la pâte à crêpes cet après-midi. Vous en mangerez ainsi demain matin.
Valentin hocha la tête, heureux de finir par obtenir ses fameuses crêpes malgré son comportement discutable de la veille.
— Si vous voulez, on les mangera ensemble ! lui rétorqua-t-il avec malice. Après tout, vous partagez bien vos M&Ms avec moi !
Camille le fixa un instant, peu certaine de la bonne initiative de son boss. Elle se sentait toujours mal à l’aise depuis qu’ils s’étaient réveillés l’un contre l’autre et préférait éviter maintenant toute ambiguïté.
— J’ai mangé des spaghettis à la bolognaise hier soir avec vous et une partie de votre garde-manger réservé à votre petit déjeuner ce matin, je pense que ça suffit. On est quitte.
Malgré la petite déception face à sa réponse, Valentin comprit que la proximité récente qui les avait conduits à cette gêne avait été suffisante pour ne pas en rajouter une couche. L’attitude hésitante de Camille indiquait clairement qu’elle avait besoin de poser des limites. C’est à cet instant que Valentin réalisa qu’il ne s’en mettait peu depuis la veille. Tout lui semblait aller de soi. Il se sentait même pousser consciemment par cette envie d’affinités réciproques plus marquées.
On repassera niveau déontologie et moralité !
Son attitude l’inquiéta tout à coup. Ce n’était pas son genre de s’imposer ainsi, d’être si curieux et désireux de choses qui lui échappaient. Il avala son petit déjeuner en quatre vitesses et fila se préparer. Partir loin d’elle et travailler lui paraissait maintenant plus judicieux, pour son propre salut. Il devait prendre du recul.
Lorsqu’il arriva au boulot, rien ne semblait aller comme il le souhaitait. Entre la recherche de ses clés, puis d’un papier sur un dossier, le café non disponible à la machine à café, la journée n’avait rien d’idyllique, ce qui ne passa pas inaperçu aux yeux perçants sous les lunettes rectangulaires, bordées d’un noir austère, d’Ambroise.
— C’est moi ou tu as un karma pourri aujourd’hui ? lui lança-t-il sur un ton jouant entre le sérieux et le badin.
Valentin soupira à cette évocation.
— Ouais, je les aligne depuis ce matin. J’ai l’impression de perdre la boule ! J’oublie tout, rien ne me réussit. J’en viens à me demander si je fais bien de bosser, si c’est pour obtenir un résultat catastrophique !
Ambroise réajusta ses lunettes fines et le fixa.
— Quelque chose te tracasse ?
Valentin resta perplexe devant sa question.
J’ai quelque chose d’écrit sur le front ?
— Ai-je l’air de l’être ?
— À toi de me le dire ?
Le jeu des réponses par une autre réponse s’arrêta lorsque Valentin comprit que face à Ambroise, c’était peine perdue. Ambroise était l’icône de la pertinence à son état le plus pur.
— Val, je crois que Cassandre devrait arrêter d’avoir autant d’influence sur toi. Je sais que tu tiens à elle, mais si c’est pour que tu te mettes dans tous tes états, peut-être serait-il temps de reconsidérer les choses autrement, tu ne crois pas ?
Valentin considéra un instant son conseil, puis sourit.
— Ça n’a rien à voir avec Cassie ! C’est… autre chose. Ça n’a rien de sérieux, mais ça me travaille !
Il montra sa tête de l’index comme si ça turbinait suffisamment pour que ça impacte son attention sur le reste.
— C’est quoi ? demanda Ambroise, piqué par la curiosité.
— Laisse tomber… Je dois être encore très fatigué et je manque de recul pour relativiser et ignorer.
Valentin tapota son clavier d’ordinateur pour donner le change même s’il savait au fond de lui que la fatigue n’avait rien à voir dans tout ça, vu la nuit sereine et reposante qu’il venait de passer. Ambroise retourna à son écran en secouant la tête négativement. Il savait qu’il lui cachait les choses, mais ne pouvait le forcer à parler. Pourtant, au bout de quelques minutes, Valentin revint à la charge.
— Dis Ambroise, est-ce que tu as déjà rencontré quelqu’un avec qui tu sens un feeling étrange, comme une voix qui te dit qu’il faut la garder dans ton entourage, une sorte de conscience qui te pousse à creuser, parce que c’est comme un mode de survie où cette personne peut jouer un rôle essentiel ?
Ambroise remonta ses lunettes sur le nez et quitta des yeux son écran pour fixer à nouveau son ami. Le silence de sa réponse prouva à Valentin qu’il était loin d’être clair.
— Laisse tomber ! déclara Valentin en replongeant à contrecœur dans son travail.
— Qui est cette personne pour qui tu ressens une affinité particulière qui te trouble autant ? Est-ce une femme ?
Valentin hésita à lâcher son écran des yeux, mais l’insistance qu’il percevait dans le regard perçant de son ami à travers les deux verres éclatants de ses lunettes l’obligea à se mettre à table.
— C’est… ma gouvernante. La femme que j’ai récemment embauchée.
Ambroise esquissa un petit sourire ravi et mit de côté son travail, souhaitant connaître davantage d’informations.
— Donc tu te sens attirée par elle ?
Valentin se mit à rougir.
— Non ! Pas du tout ! Ce n’est pas une attirance de cet ordre ! Rien de sexuel ! Enfin, je crois…
Ambroise haussa un sourcil, saisi par le trouble réel de son ami à présent.
— C’est une attirance de quel ordre dans ce cas ?
— Je ne sais pas. Lors de l’embauche, j’ai senti un truc bizarre. L’entretien a été un fiasco, mais pourtant, elle m’a plu. Et je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi elle continue à me plaire. Au départ, je me suis dit que c’était parce que j’aimais son altruisme, son besoin de rendre les gens heureux. Mais maintenant, j’ai un doute.
— Et c’est quoi qui te fait douter ?
— Cette impression étrange, cette conscience cachée qui me joue des tours et qui veut passer du temps avec elle ! lui répondit Val, telle une évidence.
Ambroise le dévisagea, perdu.
Putain, ça, c’est de l’effet ! Elle lui a jeté un sort ou quoi ? Où est notre fidèle Valentin pour sa Cassie chérie ?
— Tu veux donc passer du temps avec elle… Pourquoi ?
— Eh bien c’est ça, le truc bizarre ! Je ne me l’explique pas. C’est comme un appel incontrôlable ! On dirait qu’elle dégage des phéromones ou des essences naturelles qui font que je me sens bien, serein, dans une bulle, à l’abri de tout quand je suis avec elle. On s’accroche souvent tous les deux, elle est difficile à suivre, mais elle a le don de trouver toujours une solution pour apaiser l’ambiance et faire qu’on a envie d’y rester. Elle me prend au dépourvu avec ses idées farfelues…, mais j’aime ça ! J’aime passer du temps avec elle et qu’elle prenne du temps pour moi…
Valentin souffla, agacé.
— C’est une sorcière ! grommela-t-il, défaitiste.
— Mary Poppins ? Ma sorcière bien-aimée ? Whouaaa ! Ça va loin, ton ressenti !
Ambroise se mit à rire légèrement, en voyant son ami pédaler dans la semoule.
— Fous-toi de ma gueule ! En attendant, je me retrouve bien con ! Tu vas vite comprendre de quoi je parle ce soir, quand tu viendras à la maison. Tu feras moins le malin quand elle exercera ses charmes et sortilèges sur toi ! Tu verras comment elle fonctionne et crois-moi, elle va te désarmer autant qu’elle me désarme !
— Mais oui…, c’est ça ! Trouve-toi des justifications pour nier qu’elle t’attire tout simplement. Et je parle d’ordre sexuel, moi !
— Vivement ce soir, qu’elle te mette K.O. !
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