Et voici le chap 4 centré sur Valentin. On continue d'en apprendre un peu plus sur les personnages, par l'intermédiaire cette fois-ci d'un nouveau personnage : Séverin. ^^
Bonne lecture.
© Jordane Cassidy - 2017
4
“La sensation d'être heureux ou malheureux dépend rarement de notre état dans l'absolu, mais de notre perception de la situation, de notre capacité à nous satisfaire de ce que nous avons.”
— Aaaah ! Te voilà enfin ! Je me suis dit que tu ne viendrais plus. Du coup, j’ai déjà commandé pour moi !
— Salut Sev ! Désolé ! Ça a pris plus de temps…
Valentin posa sa veste sur la chaise et s’assit de façon lasse. Il posa un regard panoramique autour de lui. Le restaurant n’était pas trop bondé et Séverin avait réussi à réserver une table à l’ombre, sur la terrasse.
— Comment c’était avec la combien ? Vingtième ? lui demanda alors Séverin.
— Vingt-quatrième !
— Allez ! Courage, Val ! Plus que deux !
— Je l’ai embauchée.
— Sérieux ? Je croyais que tu voulais toutes les voir pour être sûr de ne rien rater. Qu’est-ce qui t’a fait changer d’avis ? Ta patience aurait-elle atteint ses limites ? Ta nouvelle recrue a quoi de si extraordinaire pour que tu cèdes à tes résolutions ?
— Rhaaaa ! Je n’en sais rien ! s’agita alors Valentin. Je ne sais pas… Elle n’a rien de particulier. D'ailleurs, son CV n’est pas le meilleur !
Séverin se pencha au-dessus de la table.
— Avoue ! Elle est mignonne. C’est ça ? Je suis sûr que c’est ça !
Le serveur vint se poster devant les deux amis pour prendre commande auprès de Valentin.
— Un steak frites avec bière, s’il vous plaît ! répondit rapidement Valentin, sans même laisser le temps au serveur d’en placer une.
Ce dernier repartit aussitôt et Séverin se mit à sourire.
— Je veux tout savoir ! lui souffla-t-il. Âge, taille, tour de poitrine !
Valentin Duval regarda son ami d’enfance avec consternation. Même si dans les faits, tout homme normalement constitué notait impérativement ce genre de détails concernant les femmes, ce n’était pas ces critères qui l’avaient convaincu de l’embaucher.
— Hey ! Tu sais ! Avant ça, elle a un prénom ! lui signala-t-il.
— OH putain ! ça commence par un C ! Attends, attends ! Tu vas me rendre dingue ! Laisse-moi deviner !
Séverin inspira béatement tout en fermant les yeux, comme s’il cherchait à lire dans les pensées de son ami.
— Constance ! lui lança-t-il convaincu.
— Constance ? grimaça alors Valentin tout en répétant avec dégoût le prénom qui sonnait faux à son oreille.
— Caroline ? Christelle ? Colleen ? Chaaantal !
Valentin tapa son front avec la paume de sa main, complètement dépité par l’air ravi de son ami en énonçant tous ces prénoms comme autant de fantasmes dans sa tête.
— Elle s’appelle Camille. Camille Bonin.
— Camille… répéta-t-il avec un air extatique. C’est tellement frais. On pense à la camomille, à sa douceur, à son calme, au côté solaire que ça dégage… Je suis sûre qu’elle est blonde ! Je sens qu’elle va me plaire !
— Elle est châtain foncé ! T’as tout faux ! Reviens parmi nous, Dom Juan !
— Châtain foncé… Je suis sûr qu’elle est toute mimi ! Dis-moi, dis-moi !
— Elle a vingt-neuf ans, un mètre soixante-cinq je dirai…
— Tour de poitrine ?!
— Séverin ! Je n’en sais rien ! Je n’ai pas regardé ses seins, mais plutôt son visage !
— Et il t’a plu, son visage ? s’esclaffa Séverin, amusé de le voir si fermé par une telle information que sa nouvelle recrue.
— Je te rappelle que je suis casé, Sev ! gronda alors Valentin.
— Ouais ouais… ça n’empêche pas de vouloir se réveiller de bonne humeur avec une femme qui, en plus de bien faire le petit-déj’, est agréable à regarder ! J’aimais beaucoup Gigi, tu le sais bien, mais bon, elle avait l’âge de ta mère ! Donc bon, on repassera niveau dose sexy et tout !
— Gigi était efficace dans ce qu’on lui demandait. Ça m’allait très bien et j’en exige autant pour la nouvelle recrue. Je me fiche bien de son physique !
— En attendant, tu n’as pas embauché non plus un homme !
Valentin plissa les yeux, sentant bien la moquerie de son ami le piquer à vif là où ça pouvait gêner.
— Figure-toi que les hommes ne se bousculent pas au portillon pour ce genre de poste.
Séverin haussa les épaules.
— Il était parmi les deux derniers que tu n’as pas entendus.
— C’était deux femmes ! Tu comptes m’allumer encore longtemps avec ça ?
Le serveur revint avec leurs deux plats. Valentin fonça sur son steak frites sans ménagement.
— Elle a emménagé au studio ?
— Elle est en train…
— C’est bien ! Samedi, on fait toujours notre soirée foot avec Ambroise ?
— Ouais… Il veut inviter des nanas juste au cas où Cassandre passerait… Et il croit que je vais dire oui !
— T’as qu’à la plaquer !
— Hey ! J’aime Cassandre. Bon, c’est vrai qu’elle est particulière, qu’il faut apprendre à la cerner et je sais qu’Ambroise et toi, vous ne l’aimez pas beaucoup…
— C’est la seule femme avec un prénom en C que je ne séduirai pas ! C’est sûr !
— Il n’empêche, je suis avec elle depuis deux ans et je n’ai pas envie de rompre pour la seule raison de ramener des meufs pour une soirée foot !
— T’es vraiment pas pour la solidarité masculine ! Le chambra son ami. Franchement !
— Tu peux parler ! Comment ça va avec… Carine ? Céline ? Ah non ! Catherine !
— Cendrine !
— Ouais ouais… ça change tout le temps !
— Non, là, je suis fier de moi ! ça fait déjà une semaine ! lui répondit Séverin avec un grand sourire. Je me surpasse !
— Dixit celui qui est pour une soirée foot.
Valentin se mit à rire, sidéré par la frivolité de son pote.
— T’es grave sans dec’ ! Si tu n’étais pas mon ami d’enfance, je pense que je te fuirai !
— Tu parles ! Je suis toujours une bonne excuse quand tu veux fuir, ouais !
— C’est vrai. Tu es un bon alibi !
— Je sais… Haut les cœurs !
Tous deux trinquèrent au nom de leur amitié indéfectible, avant que Séverin ose une nouvelle tentative.
— Et sinon, tu crois que j’ai mes chances avec ta Camille ?
Passer deux heures avec Séverin lui fit grand bien. Valentin put décompresser un peu même s’il restait assez fatigué. Les dernières semaines au boulot furent compliquées. Un nouveau projet avait été présenté afin de satisfaire un client. Le hic, c’est que plusieurs boîtes étaient sur le coup et que seule la proposition la plus pertinente emporterait les faveurs du client pour une mise en chantier. C’était un projet qui pouvait rapporter beaucoup s’ils remportaient la mise en compétition. Valentin ne s’était accordé que deux jours de repos en vingt jours, juste pour régler cette affaire de recrutement d’employée de maison. Il lui était devenu impératif de trouver quelqu’un pour l’aider au quotidien. Il n’avait pas le temps pour gérer le repas, le linge, l’entretien de la maison, etc.
Il entra dans son SUV et respira un bon coup. Il avait besoin de dormir. Il regarda machinalement son téléphone portable. Cassandre avait essayé de le joindre. Il n’avait pas spécialement envie de l’appeler, mais repousser les choses ne l’aiderait pas à se reposer par la suite. Il tapota son écran et porta l’appareil à son oreille.
— Ah ! Enfin, tu m’appelles !
— Salut Cassie.
— Tu as une petite voix. Tout va bien ? Tu as pu dormir ?
— Non… J’ai enchaîné les entretiens et là, je viens de manger avec Sev.
— Je t’avais dit que je pouvais m’en charger ! Tu m’aurais laissé chercher ta perle rare du logis et tu aurais pu souffler !
— Je t’ai déjà dit que je préférai régler ça moi-même. J’ai des attentes bien précises et c’est aussi une question de feeling…
Valentin resta silencieux un temps en réalisant les raisons de l’embauche de Camille Bonin.
— Oui, c’est ça ! Une question de feeling ! Si ça ne passe pas, malgré x compétences, ça va m’énerver encore plus et je n’ai pas besoin de stress supplémentaire.
Cassandre soupira à travers le combiné.
— Et tu as trouvé ta perle ayant compétences et feelings avec toi ?
Un nouveau silence trouva écho aux oreilles de Cassandre. Niveau compétences, on était loin des CV des plus aguerris, donc autant dire que son stress n’était pas plus à l’abri d’augmenter.
— Oui, j’ai trouvé quelqu’un. On verra. Les choses auraient été plus simples si tu emménageais chez moi. À nous deux, on aurait pu s’accommoder de ces tâches.
— Val, on en a déjà parlé. Vivre ensemble, ce n’est pas rien. Si tu veux que je vienne juste pour remplacer Gigi, alors non, je ne pense pas être la plus qualifiée et je ne veux pas être considérée comme elle.
Valentin se frotta le visage de la main.
— Pardon. Oui, je suis maladroit. Mais tu sais que j’aimerais fonder une famille et ça fait deux ans qu’on se fréquente. Tu ne penses pas qu’il est temps de passer à l’étape suivante ? Je ne te demande pas en mariage, ni de faire un bébé. Je veux juste qu’on vive ensemble.
— Je veux aussi vivre avec toi, mais ce n’est pas le moment. Ça fait deux semaines qu’on ne s’est vu. Tu es tout le temps absent. Ton boulot monopolise toutes tes journées. Quand on se voit, tu es crevé. Je ne veux pas te voir sous l’unique condition de ramasser les miettes de toi, une heure le matin ou le soir. Tu veux qu’on vive ensemble ? Accorde-moi déjà plus de temps maintenant !
— Tu crois que ça m’amuse de faire des heures comme un con ? Je fais ce que je peux et tu ne m’enlèveras pas l’idée que ce serait plus sain de vivre ensemble justement parce qu’on a besoin de ça pour que notre couple survive !
— Il survivra si tu arrêtes de bosser comme un dingue ! Rien que ça, peut suffire pour que l’on soit tous les deux ensembles ! Le problème reste le même : ton boulot.
Valentin se sentit très las. Ils tournaient en rond.
— Je dois te laisser. Je dois m’assurer que ma nouvelle aide ménagère s’est bien installée. La conversation demeure stérile de toute façon et je n’ai pas beaucoup de temps, comme tu le sais.
— Très bien ! Je passerai dès que possible. Je pars tout à l’heure pour Paris et reviens demain soir.
— OK. Appelle-moi quand tu es rentrée qu’on essaie de se voir.
— Tu crois que tu pourras dégager du temps pour moi ?
— Cassaaaandre ! gronda Valentin qui ne voulait pas rentrer dans sa taquinerie aux airs de reproche pouvant aller à la réelle dispute.
— Désolée ! Ça m’agace de ne pas te voir…
— Je sais. Moi aussi.
— Tu me manques.
— On se rattrapera quand on se verra.
— Tu as intérêt, Valentin ! Je dépéris à t’attendre ! Et arrange-toi pour que ce jour-là, il n’y ait pas ta femme de ménage !
— Ouais… Allez, je te laisse.
— OK, je dois y aller aussi. Je t’aime.
— Moi aussi. Bisous.
— Bisous mon chéri !
Valentin raccrocha avec cette sensation d’être un somnambule sur la corde raide. Ces derniers temps, ils s’accrochaient régulièrement. Les raisons étaient claires : son boulot qu’il ne lâchait pas pour elle ; sa peur de l’engagement qu’elle refusait d’admettre pour lui. Ils stagnaient. Sa fatigue n’aidait en rien à garder son sang-froid.
— Il faut que je dorme. J’en peux plus…
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