À votre service : chapitre 08


Bonjour à tous !

Voici le chap 8 ! Petit chapitre intéressant dans le sens où on découvre un Valentin tendu, perturbé par tout ce qui fait son quotidien, mais aussi par sa recrue imprévisible !

© Jordane Cassidy - 2017


 

8

 

“Un ami devrait supporter les faiblesses de son ami.”

 

William Shakespeare

 

 

 


— Sept heures et demie… Parfait ! Petit-déj ’: OK…

Camille se mit à sourire. Elle avait suivi à la lettre les recommandations de Monsieur Duval de la veille.

— Bol de céréales, jus de fruits, yaourt. Il est affamé quand même, le matin !

— Je mange au moins, moi ! l’interrompit Valentin qui s’avança sans trop la regarder, bien trop occupé à boutonner les manches de sa chemise.

Camille leva les yeux et pesta intérieurement.

Et voilà ! Première moquerie de la journée ! Je savais que j’y aurais droit tôt ou tard. Mais j’aurais bien aimé un bonjour avant !

Elle se rappela sa nouvelle bévue avec désolation. Elle était rentrée au studio hier soir à vingt-trois heures trente, crevée. Elle s’était d’abord affalée sur son lit. Sa première journée avait été riche en surprises et elle s’étonna encore de l’avoir vécue et d’y avoir aussi survécu. Le constat fut gratifiant jusqu’à ce que son ventre réclame son dû lui aussi et qu’elle réalise qu’elle n’avait rien mangé. L’excitation était retombée et son appétit se manifestait enfin. Et c’est là qu’elle passa à nouveau pour une idiote devant son patron, après avoir réalisé qu’elle n’avait pas rempli son propre frigo.

Effectivement, je ne lui donne que des bâtons pour me faire battre et alimenter son jugement sur moi…

 

Camille Bonin, 10 mai 2017 23 h 38

Désolée de vous déranger, mais, est-ce que je peux piocher trois bricoles à manger dans votre garde-manger ? J’ai oublié de faire trois courses pour moi au supermarché… ^^’

Je vous rachèterai tout demain, évidemment ! Promis !

 

Valentin s’installa devant son bol de céréales et commença à boire son jus d’orange.

— Je suis désolée pour hier soir…, répéta Camille, confuse.

— Tant que vous n’avez pas vidé mon frigo pour que je puisse déjeuner ce matin… Que cela ne se reproduise pas !

Camille lui sourit, rassurée.

— Sans faute ! Je vais faire mes courses ce matin.

— Il y a aussi le sol à nettoyer, changer les draps du lit, désinfecter les sanitaires… Ça va être compliqué de tout faire, non ?

Il attaqua son bol de céréales sans même la regarder.

— Je suis contente de voir que vous êtes en forme ! Vous avez visiblement bien digéré mon repas d’hier soir. Vous n’avez rien perdu de votre verve rabâcheuse et militaire.

Valentin prit enfin la peine de la dévisager, puis plissa les yeux. Camille lui offrit un sourire fin, forcé, en réponse.

— Bonjour Boss ! lui déclara-t-elle alors. J’espère que vous avez bien dormi ! Ce midi, vous mangerez pomme de terre et paupiettes de veau !

— Vous savez cuisiner ça ? lui demanda aussi sceptique par l’annonce du plat que piqué au vif, lui cherchant des poux comme elle semblait vouloir en faire aussi avec lui.

Elle est en forme dès le matin, dis donc ! La vache !

— Non ! Jamais cuisiné ça auparavant. Mais j’ai un goûteur maintenant ! Je vais pouvoir faire plein de tests !

Valentin la fixa un instant, puis replongea dans son bol.

— OK… Ce midi, je mange au restaurant ! Je ne goûte rien qui ressemble à un prototype !

— Parfait ! lui dit-elle en tapant sur le comptoir. Vous m’enlevez une épine du pied pour ce midi ! Je n’aurai pas à faire mes courses ce matin puisque je suis autorisée à manger ce que je cuisine avant de vous le proposer ! Je vais bien vérifier si c’est bon, maintenant que je suis goûteur de prototype ! Mon frigo pourra attendre, mon ventre sera rempli et je pourrai accomplir toutes les tâches que vous m’avez assignées à faire. Merci, Monsieur Duval !

 

Elle lui tourna le dos, pour s’atteler à ranger quelques affaires qui traînaient ça et là. La cuillère de Valentin n’atteignit pas sa bouche lorsqu’il réalisa de quelle manière elle l’avait dupé. Il l’observa s’activer tout en chantonnant, alors qu’il n’arrivait même plus à trouver quoi lui répondre ni comment renverser la tendance à son avantage. Il finit ses céréales et son yaourt en silence, se demandant si finalement elle était si naïve que cela, si leur collaboration avait une réelle chance de réussir de cette façon. Lorsqu’il eut fini, il se leva et prit sa veste. Camille stoppa son rangement et vint à lui.

— Bonne journée ! Bon restaurant ! À ce soir !

Valentin plissa à nouveau des yeux et grimaça dans un rictus agacé.

— Je regrette vraiment Gigi ! Elle était la meilleure aide ménagère qui soit ! lui cracha-t-il presque à la figure.

— La vie est vraiment injuste ! lui répondit Camille tout en réajustant sa veste au niveau du col. Appelez-la ! Je suis sûre qu’elle sera heureuse d’ignorer votre appel !

Valentin prit les clés de son SUV, non sans lâcher un « tsss » avant de refermer la porte derrière lui.

— Et moi, je me demande si je ne vais pas regretter ce qui peut se passer ici à l’avenir… murmura Camille en soupirant.

 

**********

 

Valentin arriva au boulot avec une humeur soupe au lait. Ambroise, son collègue de bureau, l’observa à travers ses lunettes, en train de s’installer tout en faisant des gestes secs.

— J’ai fini hier soir la partie que tu m’avais demandée de faire. Je te l’ai posée sur ton bureau.

— OK. Merci.

— Tout va bien ? Tu as l’air… bizarre.

— Ça va ! C’est juste que…

Il souffle en s’asseyant.

— Par moments, tu n’as pas l’impression d’être le pantin de ta propre vie ? Tu sais, genre, tu penses tout maîtriser, mais tu te rends compte que c’est faux, c’est juste que tu refuses de reconnaître la vérité. Et pourtant, tu préfères continuer à ignorer…

 

Ambroise réajusta ses lunettes rectangulaires sur son nez pour réfléchir.

— Qui est-ce qui te fait des misères ? Séverin ? Cassandre ? Tes parents ?

Valentin se mit à sourire de façon navrée.

— Tous… Si je te dis ça, ça ne va pas t’étonner, pas vrai ?

— Tant que je ne suis pas dans le lot !

— Non, tu es bien le seul à ne pas me chercher des noises.

— Il y a pourtant des cas qui peuvent vite se régler. Séverin, tu l’envoies chier comme d’habitude dès qu’il est chiant ; Cassandre, tu sais que ma vie serait meilleure si je ne la croisais plus. Quant à tes parents, rien ne changera. C’est déjà foutu depuis longtemps.

Valentin soupira.

— Cassandre ne veut pas vivre avec moi. Elle me dit que ce n’est pas en emménageant que les problèmes s’atténueront entre nous. Elle veut que je travaille moins.

— Tu en penses quoi ?

— Oui, je travaille beaucoup, mais je veux quand même pouvoir réussir ma vie privée et c’est une étape que l’on devra franchir tôt ou tard. Maintenant ou après, au moins on saura si ça vaut le coup d’y croire, si on est vraiment un couple. Ça me parait logique.

Valentin s’attrapa les cheveux, indécis.

— Je veux fonder une famille. Avec Cassie, on est ensemble depuis un moment pour commencer à songer à aller plus loin, mais j’ai l’impression d’être le seul à le penser…

— Cassandre est une femme qui aime son indépendance et tu veux en faire une casanière avec mari et enfants. Je comprends qu’elle hésite. Est-elle vraiment prête à cela ?

— Elle me dit que oui, mais j’ai un doute quand je vois comment elle recule.

— Donne-lui de quoi la rassurer…

— Ouais, tu as raison. On est tous les deux sur les nerfs. On ne se voit pas beaucoup ces derniers temps et ça doit aussi nous frustrer et nous faire douter.

— Bien. Prends du temps pour elle, si c’est ce qu’elle souhaite.

— Ouais… Je devrais en avoir un peu plus ; j’ai trouvé quelqu’un pour remplacer Gigi.

— Ah bon ? Tu as vu toutes les candidates ?

— Pas toutes. J’en ai embauché une avant de finir les autres rendez-vous.

— Et alors ? fit Ambroise, surpris. Si tu l’as choisi aussi clairement, c’est qu’elle t’a plu sur certains points.

— Ouais…, répondit Valentin avec un petit sourire. Elle est… déroutante. Aujourd’hui, elle a réussi à ce que je me vire tout seul de chez moi pour midi ! Si cela n’est pas incroyable, ça !

 

Ambroise haussa un sourcil derrière ses lunettes. Son attitude d’ordinaire si concentrée sur son travail malgré ses discussions avec Valentin, avait failli un instant, devant son annonce.

— Gigi savait te manier. Elle était efficace, mais savait aussi recadrer les choses lorsque cela allait trop loin. Ta recrue n’a pas perdu de temps pour en faire de même !

— Quand tu la verras, tu comprendras. C’est complètement différent de Gigi. Chez Mademoiselle Bonin, on a tendance à penser qu’elle ne le fait pas exprès, que son innocence joue en sa faveur, puis ensuite tu doutes… C’est très particulier ! C’est un électron libre. Elle est… intrigante !

Ambroise considéra son ami plus sérieusement.

— Intrigante ? Genre Mary Poppins ?

Valentin se mit à rire.

— Si en plus elle a des pouvoirs et elle chante, je suis mort ! Non, elle souffle constamment le chaud et le froid. Un coup, tu te dis qu’elle est idiote et la minute d’après, c’est toi qui passe pour un idiot !

— Eh bien ! Voilà effectivement quelque chose d’intrigant de te voir en parler avec autant d’intérêt. Je suppose que ce n’est pas cette raison qui t’a poussé à l’embaucher. Être intrigante ne fait pas tout.

Valentin s’enfonça dans son siège.

— Non… bien que finalement son comportement puisse avoir un côté charmant.

— Charmant ? fit alors Ambroise de plus en plus surpris, voire sceptique sur la santé mentale de son ami. Tant que ça ? Elle t’attire ?

Valentin lui sourit, énigmatique.

— Non. C’est plus complexe que ça. Tu comprendras lors de la soirée foot. Toujours partant ?

— Et comment ! répondit Ambroise, une nouvelle lueur dans les yeux, comme celle du supporter invétéré. Mais j’ai maintenant une raison de plus de venir !

— Super ! Alors au boulot, si on ne veut pas passer la soirée foot au bureau !

— Intrigante et charmante ? répéta alors Ambroise pour lui-même et amusé. Rappelle-moi quel âge elle a.

— Ambroise… râla Valentin. C’est pour ça que Séverin m’a énervé !

Ambroise se mit à rire derrière l’écran de son ordinateur. Il connaissait Valentin par cœur.

— Si Sev a insisté, ça veut dire qu’elle n’a pas l’âge de Gigi et qu’en plus, elle est potentiellement une proie pour lui ! Ne me dis pas que son prénom commence par un C. !

Valentin ferma les yeux, vaincu.

— Elle s’appelle Camille.

Ambroise éclata de rire.

— Un conseil. Donne-lui son repos lors de la soirée foot, car j’en connais un qui risque de vouloir la séduire si elle entre vraiment dans ses critères de sélection !

— C’est mon aide à domicile ! Ma bonne ! Personne n’y touche ! Je viens de l’embaucher, je ne veux pas que vous la fassiez fuir !

— Eh ! s’exclama Ambroise. Je n’ai rien fait, moi ! Je cause ! C’est tout !

— Bon, travaillons… Cette discussion m’énerve !

— Tu es vraiment d’humeur bizarre ! grommela en conclusion Ambroise, malgré un sourire convaincu sur l’intérêt de sa nouvelle servante.

 

 


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