Hello !
Tandis que certaines ont déjà le tome dans les mains et l'ont peut-être lu, nous sommes à J-5 avant la sortie officielle du tome.
Je vous propose aujourd'hui la lecture du chapitre
©Jordane Cassidy - 2022
Kaya inspira un bon coup et regarda une dernière fois l'enseigne d'Abberline Cosmetics.
— Allez, Kaya ! Tu peux l'atteindre. Tu peux lui sortir la tête de l'eau. Tu peux lui faire changer d'avis !
Elle entra dans le bâtiment et se dirigea vers l'accueil. Un réceptionniste lui sourit.
— Bonjour, je souhaiterais voir Ethan Abberline, s'il vous plait.
— Bonjour Madame. Avez-vous pris un rendez-vous avec lui ?
— Non, c'est… une surprise ! répondit alors Kaya, plutôt gênée.
— Je suis désolé, Madame, mais même avec la plus belle intention du monde, il faut passer par sa secrétaire pour obtenir une entrevue de quelque nature que ce soit.
L'homme tenta de sourire poliment malgré la déconvenue annoncée. Kaya grimaça. Elle n'avait pas pensé à Abbigail. Elle aurait préféré éviter ce rempart entre lui et elle. Quand elle lui avait donné la bague d’Adam, il était tard et elle n’avait rencontré aucune difficulté à aller jusqu’à son bureau. Le personnel avait fini sa journée et elle avait eu beaucoup de chance de le trouver. Oliver avait été de bons conseils pour lui recommander de venir tard le soir, lorsqu’il faisait des heures supplémentaires. Aujourd’hui, tout était différent.
— Est-il ici ? demanda-t-elle toutefois.
— C'est sa secrétaire qui détient son emploi du temps, mais je ne l'ai pas vu sortir, donc il est peut-être encore ici avec elle.
Résolue malgré elle, elle soupira.
— Peut-on la contacter, s'il vous plait ?
L'agent d'accueil la sonda quelques instants. Kaya inspecta sa petite robe en même temps que lui et se mit à rougir. Avait-elle choisi quelque chose de trop suggestif ?
À trop me concentrer sur mon plan « faire tomber Ethan Abberline », je n'ai pas pensé au jugement des autres personnes que je provoquerai ici. Je vais passer pour une énième allumeuse qui veut se taper le patron ! Bon, ce n’est pas tout à fait faux, mais… arrgghh ! Me voilà cataloguée midinette chaudasse !
— Que contient votre panier ? lui demanda alors l'agent, bien plus professionnel qu'elle ne le pensait.
— Oh ! Ah oui ! C'est… mon panier qui vous interpelle !
Cruche !
L'agent lui sourit toujours poliment.
— C'est… son repas ! avoua-t-elle d'une petite voix, rouge de honte.
L'homme face à elle sourit plus franchement.
— Je devrais demander à ma femme qu'elle m'apporte aussi mon panier-repas, tiens ! Il a bien de la chance, le boss !
Ne suspectant sans doute pas en elle un mauvais fond, l'agent attrapa son téléphone et appuya sur une touche. Kaya relâcha tout à coup le stress qui s'était niché dans son ventre.
Elle n'avait pas vraiment eu l'occasion de parler à Abbigail jusqu'à présent. C'était une femme de l'ombre d'Ethan. Elle lui avait obtenu un passeport rapidement pour son départ aux USA, mais c'était Ethan qui avait tout géré en coulisses. Elle ignorait quelle serait sa réceptivité à l’accueillir aujourd'hui, au vu de leur séparation. Elle lui avait semblé très bienveillante la première fois qu'elle l'avait rencontrée. C'était lorsqu'il l'avait conduite ici même après la signature de leur premier contrat. Ils avaient pris l'ascenseur et il l'avait conduite à une salle de réunion. Il y avait tous les amis d'Ethan et Abbigail.
— Oui, bonjour ! Une jeune femme souhaiterait rencontrer M. Abberline.
Le réceptionniste éloigna son combiné quelques secondes de sa bouche, le temps de s'enquérir de son identité. Kaya le regarda bêtement, jusqu'à ce qu'il lui souffle « votre nom, s’il vous plaît ? »
— Oooh ! Pardon ! Kaya Levy ! Je m'appelle Kaya Levy.
— Kaya Levy, répéta l'homme au combiné. Bien, Madame. Je l'en informe.
L'agent reposa le téléphone et Kaya sentit toute sa vie suspendue à la réponse qu'il allait lui relayer. Elle regarda ses lèvres comme la pire des sentences. La réponse de la secrétaire avait été trop rapide pour que cela soit positif pour elle.
— Je suis recalée, c'est ça ? lui déclara-t-elle, complètement défaitiste, avant même qu'il ne prononce un mot.
— Je dirais plutôt que vous avez passé la première étape. Elle accepte de vous recevoir.
— C'est vrai ?
L'homme hocha la tête tandis qu'un énorme sourire se dessinait sur le visage de la jeune femme.
— Merci ! lui répondit-elle, les mains jointes en prière, emplie d'une nouvelle motivation.
— Je n'ai passé qu'un appel ! s'en amusa le réceptionniste.
— Vous m'avez aidée à passer la première étape ! C'est déjà beaucoup !
— Prenez l'ascenseur là-bas et…
— Oui, je sais ! le coupa-t-elle, tout en regardant le fameux ascenseur. Quatrième étage ! enchaîna-t-elle, une lueur nostalgique dans les yeux. Je suis déjà venue deux fois.
— Elle vous attend.
Elle se tourna vers le réceptionniste et regarda le prénom écrit sur sa veste.
— Merci… Monsieur Édouard !
L'agent s'esclaffa.
— À votre service, Madame Kaya Levy !
Cette fois, les conditions étaient différentes. Pas d'ex-copine pour les accueillir et afficher sa jalousie, pas de contrat, pas de rupture non plus, et surtout plein de sentiments nouveaux entre eux depuis. Kaya sourit en réalisant le chemin parcouru. Elle avait vu sa vie radicalement changer en signant ce contrat avec Ethan. Ils avaient changé tous les deux. Ils avaient réappris à avoir confiance en l'amour, elle avait repris goût à la vie et souhaitait, aujourd'hui, qu'Ethan en fasse de même. Les souvenirs lui revenaient facilement en mémoire en entrant dans cet ascenseur. Ethan l'avait mise en garde.
« Ne tombez pas amoureuse, Princesse ! »
Elle caressa le panneau de contrôle de l'ascenseur avant d'appuyer sur le bouton la menant à Abbigail. Elle avait fini par tomber amoureuse, tout comme lui. Son angoisse augmentait en même temps que l'ascenseur gravissait les étages. Si elle avait passé une étape, elle n'était pas encore face à son objectif. Elle observa une nouvelle fois son panier qu'elle tenait dans les mains. Elle doutait encore de son plan. Elle inspecta sa tenue une nouvelle fois à travers le miroir de l'ascenseur. Tout était en ordre. Il ne restait plus que son mental. Elle sourit en repensant aux mots d'Oliver.
« Il ne sera pas indifférent à une bonne leçon de séduction ! Tu vas l'avoir ! Courage ! Tu l'auras à l'usure ! »
Elle caressa son ventre.
— On va y arriver, tu crois ?
Elle inspira un bon coup. Elle vérifia une dernière fois sa petite robe, tenta de se convaincre que son ventre n'avait pas bougé depuis et pénétra dans l'étage, lorsque les portes de l'ascenseur s'ouvrirent. Très vite, elle repéra Abbigail, debout, attendant son arrivée avec un petit sourire.
— Bonjour, Mademoiselle Levy.
— Bonjour, désolée de vous déranger.
— Vous ne me dérangez pas. Nous allions prendre notre pause.
— Il est là ?
— Oui, dans son bureau, mais il ne sait pas que vous êtes là. J'ai préféré vous laisser lui faire la surprise, vu qu'il ne m'a pas prévenue de votre arrivée et ne m'a laissé aucune consigne vous concernant. Enfin, si ! Mais... disons que je ne vous ai pas vue ! Elle lui fit un clin d'œil complice qui surprit Kaya.
— Quelles consignes ? s'inquiéta alors Kaya.
— Quelle importance ? L'essentiel n'est-il pas dans ce panier ?
— Oui..., c'est un repas.
— Je m'en suis doutée. Je vous laisse, je vais manger un bout.
— Merci… fit Kaya, émue de sa gentillesse.
— Bon rendez-vous !
Kaya inspira un bon coup. Elle n'arrivait pas à croire que les choses se soient passées si simplement entre Abbigail et elle.
— Allez, tu peux le faire !
Elle repensa alors aux paroles d'Oliver.
« Tu as tout en main pour le faire fléchir. Ne doute pas de tes capacités pour l'atteindre. Je sais qu'il capitulera, surtout après ta sortie de scène à l'hôpital. Il a forcément été retourné, même s'il veut absolument le nier et le cacher. »
Elle soupira. Elle se demandait encore comment elle avait pu lui débiter autant d'âneries en une fois.
Comme si j'avais le quart de son comportement de connard… Qu'est-ce qu'il m'a pris de le provoquer comme ça ?
Son panier dans la main demeurait sa seule issue. Il était une partie de son plan A : reconquérir Ethan Abberline. Elle en serra l’anse et frappa à la porte du bureau de sa cible avec l'image d'une guerrière prête à aller au front, entre peur et détermination, doute et courage.
— Entrez ! put-elle entendre.
Elle s'exécuta et pénétra dans l'antre du bourreau de son cœur. C'était la seconde fois qu'elle voyait son bureau. La première était lorsqu'elle lui avait laissé la bague de fiançailles d'Adam. Le bureau d'Ethan était à son image : sans fioritures, allant à l'essentiel. Elle pouvait prendre aujourd'hui plus de temps pour en admirer son ameublement à la lumière du jour. Ethan leva les yeux de sa pile de dossiers et s'interrompit alors qu'il écrivait quelque chose. Il posa son stylo en silence et se raidit. Kaya put déceler la tension immédiate entre eux, par sa posture tout à coup plus ferme. Elle releva le menton et s'avança. Chaque pas fait en sa direction accentuait un malaise certain.
Ethan n'avait pas revu Kaya depuis sa visite à l'hôpital. Elle l'avait complètement déboussolé. Câlin, puis gifle, puis ultimatum à son cœur… S'il s'en était plutôt bien sorti physiquement à la suite de son accident de voiture, la prestation de Kaya avait fini par l'achever psychologiquement. Comment pouvait-il se relever après une telle attitude ? Il se posait encore la question chaque matin. Il appréhendait, depuis, la mise en action de ses belles paroles. Il redoutait chaque initiative à venir de la jeune femme. Il savait que le combat serait compliqué pour lui. D'ailleurs, le docteur Courtois lui avait bien signifié dans quelle panade il était.
Tu parles d'un docteur censé soigner les gens ! À part me foutre plus de stress, il est nul !
Il s'en souvenait encore !
« Je te veux, Ethan Abberline ! »
Kaya avait fait sa tirade devant tout le monde, un blanc hyper gênant avait suivi, elle était devenue toute rouge au point que sa honte l'avait poussée à une retraite immédiate et qu'elle avait dû quitter la chambre sans attendre de réponse. Lui-même, à ce moment-là, avait trouvé sa prestation mignonne avant de sentir tous les regards se poser sur lui et que la gêne se répercute aussi sur son visage.
Je crois que c'est la première fois que je me suis senti aussi mal à l'aise !
Ethan avait tenté de faire comme si de rien n'était, mais le docteur Courtois avait coupé court à sa mascarade en sifflant son émerveillement.
— Je crois que je suis tombé amoureux de cette femme ! Quelle douce puissance ! Quelle volonté admirable ! Quelle émotion touchante dans toute son attitude ! Si vous me permettez, je dois aller lui parler.
Il avait alors quitté la chambre sans attendre. Ethan s'était senti attaqué dans son cœur par les propos du Docteur. Il ne savait si c'était une nouvelle provocation ou un réel coup de foudre pour Kaya. Kaya était capable de faire chavirer n'importe qui. Aujourd'hui, il n'en doutait plus. Alonzo Déca, Oliver, Eddy ou son boss, la liste s'allongeait toujours. Mais ce docteur devenait réellement un ennemi à ses yeux. Pour sa tête et pour son cœur. Il ignorait ce qu'il s'était passé entre Kaya et lui après, mais il avait acquis la certitude que ce type était un manipulateur. À la suite de son entrevue avec Kaya, il avait signé son autorisation de sortie de l'hôpital sans même revenir le voir. Comme si son cas n'était finalement plus une énigme aussi captivante à résoudre qu'il l'avait laissé sous-entendre.
Il a trouvé mieux à analyser…
Depuis ce fameux jour, il ravalait sa rancœur et sa peur. Il redoutait aussi bien que Kaya mette en action son ultimatum qu'elle l'oublie pour ce fameux Docteur. Pire ! Il en arrivait même à vouloir la protéger de ses manigances. Le psychiatre avait réussi son tour de maître : le reconnecter à Kaya, de n'importe quelle manière. Pourquoi ? Il l'ignorait. Il se demandait même s'il ne cherchait pas à présent un prétexte pour réellement se raccrocher à Kaya et le docteur Courtois devenait son excuse : le vilain ennemi aux mauvaises intentions.
Kaya posa son panier sur un coin du bureau, mal à l'aise. Elle avait pourtant révisé son scénario, mais le regard plus qu'intimidant d'Ethan en mode connard effaçait son courage.
— Je t'ai cuisiné des lasagnes. Tu les adores, n'est-ce pas ?
Ethan jeta un œil au panier. Cette attention était touchante.
Elle va donc jouer sur ma corde sensible pour me faire plier ?
— J'ai déjà prévu mon repas, désolé.
La froideur dans la réponse d'Ethan n'étonna pas Kaya.
— Comment vas-tu ? J'ai su par Oliver que tu avais repris le boulot rapidement.
— Je vais bien. C'est pour ça que j'ai repris le boulot… pour rattraper mon retard !
Il reprit son stylo et ses occupations, sans plus de considération pour Kaya. Cette dernière, piquée au vif, reprit confiance en elle pour renverser son attitude froide. Elle s'assit alors sur le bureau, à côté de son panier. Sa robe se releva sur ses cuisses, ce qui détourna Ethan de ses obligations professionnelles un instant, avant de se reprendre. Kaya esquissa un petit sourire.
— Il fait bon aujourd'hui…
Ethan ne répondit rien et se contenta de raturer quelque chose sur sa feuille.
— Tu n'as pas chaud ? Il fait chaud dans ton bureau. Le printemps est bien là !
Elle déboutonna un peu le haut de sa robe tout en agitant sa main en éventail.
— Kaya, j'ai du boulot. Je n'ai pas le temps de discuter. Va raconter ta vie à une autre personne. Ça ne m'intéresse pas.
Kaya prit l'attaque directement en plein cœur. Il n'était pas tendre avec elle. Elle se doutait qu'il réagirait ainsi, mais elle devait tenir.
— Parfois, il est bon de faire des pauses pour laisser souffler son cerveau !
— Je n'ai pas le temps ! J'ai du retard. J'ai des employés que je ne veux pas licencier !
— Si tu te tues à la tâche, effectivement ton entreprise coulera parce que le patron ne pourra plus la diriger. Dois-je te rappeler le burnout que tu as fait au gala de ta gamme ?
Ethan posa son stylo une nouvelle fois et la fusilla du regard. Il se leva et se posta devant elle.
— Et donc, tu es là pour me proposer de passer du bon temps, c'est ça ?
Il jeta un œil à son décolleté, puis sourit.
— Tu es donc ce genre de femme ? Très bien !
Tout à coup, il l'attrapa par l'avant-bras, l'attira à lui pour que ses fesses quittent son bureau et l'obligea à se retourner. Sans plus d'élégance, il souleva sa robe.
— Ethan, qu'est-ce que tu fais ?
— Ça se voit, non ?
Il baissa alors sa culotte d'un geste rapide et la plaqua contre le bureau. Le rebord du meuble vint taper le ventre de Kaya et tout son être se mit instinctivement en alerte.
Mon bébé !
Elle tenta de se redresser, mais il la repoussa contre le bureau en l'immobilisant d'une main sur sa nuque.
— Ethan, lâche-moi !
— Je ne fais que répondre à ta demande ! C'est bien ce que tu voulais, n'est-ce pas ?
Kaya l'entendit baisser son pantalon et paniqua.
— Ethan, arrête ! Ce n'est pas comme ça que je veux faire les choses.
— Ah oui, c'est vrai ! Mademoiselle Princesse veut du sentiment !
Il se pencha à son oreille.
— Tu n'auras plus ça dorénavant avec moi ! Mais bon, ça ne te dérangeait pas au début, il me semble.
Kaya s'agita. Il l'écrasait contre le bureau et, à présent, elle craignait plus pour la santé du bébé que pour elle.
— Ethan, ça suffit !
D'une force qu'elle tira du fond d'elle-même, elle se détacha de sa contrainte et se redressa tout en le repoussant en arrière. Surpris par sa contre-attaque, Ethan fit plusieurs pas en arrière et manqua de peu de tomber, s'il ne s'était pas rattrapé de justesse à son fauteuil. Le pantalon baissé, à moitié affalé sur son siège, Ethan découvrit une Kaya plus guerrière que d'habitude. Malgré de petites larmes aux coins des yeux et sa culotte baissée sur les genoux, elle se tenait droite, indomptable. Son regard était dur, mais il la trouvait aussi magnifique qu'il se sentait alors pitoyable.
— Ne me touche pas ! dit-elle alors d'une voix grave. Je t'interdis de le faire de cette façon. Je ne mérite pas cela, et toi non plus. Je n'aime pas ce genre d’approche. Que tu veuilles me faire peur pour que je m'éloigne de toi, c'est une chose, mais je ne te laisserai pas devenir un type abject et que tu te détruises un peu plus en agissant ainsi.
Elle remonta sa culotte en silence et réajusta sa robe.
— Je ne renoncerai pas, Ethan. Même après ce qui vient de se passer. Je sais que tu n'agis pas par plaisir, mais par peur. Ce qu'il s'est passé aux USA, je le regrette, mais je ne t'abandonnerai pas. Ce qui me désole le plus finalement, c'est que je ne sais pas comment m'y prendre avec toi. Être connasse ? Rester moi-même ? Devenir quelqu'un d'autre et sortir de ma zone de confort ? Je sais que je demeure maladroite, mais je te promets que je vais trouver la solution pour te ramener à moi. En attendant, remonte ton pantalon ! La pause est finie.
Elle contourna aussitôt le bureau et le laissa seul. La porte claqua derrière elle et Ethan resta inerte quelques secondes avant de poser sa main sur son visage et de rire de son ignominie face à la merveilleuse attitude de Kaya. Un rire jaune le ramenant devant cet homme aussi minable qu'affligeant qu'il était.
Kaya rentra chez elle à grandes foulées. Était-ce une fuite ? La colère ou le besoin de se réfugier dans un lieu sécurisé ? Elle ne le savait, mais elle ressentait le besoin de s'éloigner d'Ethan pour le moment. Sa tristesse était à la hauteur de ses désillusions. Comment être une connasse aux yeux du pire connard au monde, lorsque l'on a une vie en soi à protéger ? Elle referma la porte d'entrée de son appartement et s'y adossa un instant pour reprendre son souffle. Elle ferma les yeux et caressa son ventre. Elle devait se calmer. Elle avait eu peur. Elle l'admettait. Au-delà du comportement discutable d'Ethan, elle avait craint les conséquences sur le bébé. Elle se savait novice en la matière. La maternité était quelque chose d'assez mystérieux encore et le devoir de protection d'une mère pour son enfant, encore plus. Elle réalisait que son instinct maternel prenait le pas face à son attachement à Ethan. Le bébé passait avant tout, même avant Ethan. Elle rouvrit les yeux et sourit.
— Qui aurait cru que je m'unisse à quelqu'un d'autre qu'à Ethan aussi rapidement ? Petit Bébé, je me surprends à ton contact.
Elle repensa alors aux paroles du Docteur Courtois, à l'hôpital, après sa visite à Ethan, à la suite de son accident. Il l'avait appelée dans le couloir et avait attendu avec elle l'ascenseur. Elle était tendue, perdue, gênée.
— Excusez-moi, vous êtes la petite amie d'Ethan Abberline ?
Kaya avait observé cet homme avec interrogation. Très vite, elle avait posé ses yeux sur son badge.
— Vous êtes psychiatre ?
— Docteur Courtois, enchanté !
Le docteur lui sourit tout en retirant sa sucette de la bouche.
— J'ai trouvé votre intervention super !
— Oh... Je me suis ridiculisée, j'ai l'impression.
— Pas du tout ! Vous avez été admirable ! Très franchement, une femme me fait votre discours, je cours après !
Kaya baissa les yeux.
— Vous peut-être, oui, mais lui...
Le psychiatre avait posé alors sa main sur le menton en réfléchissant.
— Ce n'était pas destiné à ma personne, mais je vous ai quand même courue après, c'est vrai ! Ah ah ! Dommage pour moi !
Il me fait du rentre-dedans, là ?
Kaya l'avait fixé un instant, incertaine de ses intentions à dévier la discussion sur lui plutôt que sur Ethan.
— Oui, dommage, ce n'est pas la bonne personne qui est venue me trouver.
— Désolé de ne pas être l'élu de votre cœur ! répondit le psychiatre en grimaçant.
— Oh ! Ce n'est pas contre vous, seulement...
— Je sais bien, j'ai compris... Je voulais juste vous dire de ne rien lâcher ! Ne pas l'abandonner est important !
— Pourquoi me dites-vous cela ? l'interrogea-t-elle alors, surprise. Vous... comptez devenir son docteur ?
— Vous pensez qu'il devrait consulter un docteur dans ma spécialité ? lui répondit le psychiatre, intéressé par ses pensées.
— Si ses amis ou moi ne pouvons rien faire pour l'aider, qui le peut ? Vous pensez le pouvoir ? J'avoue avoir songé que seul un spécialiste pourrait à ce stade soigner ses maux de l'âme...
Le docteur Courtois posa sa main sur l'épaule de Kaya.
— Ne lâchez rien ! Vous semblez être une battante. L'amour peut détruire une personne, mais elle peut aussi en sauver beaucoup ! S'il vous aime vraiment, si vous l'aimez vraiment, rien n'est impossible. Il se battra pour vous.
— S'il m'aime vraiment... Le problème est bien là, je ne sais plus vraiment quoi penser. Je suis la seule à me battre, on dirait.
Le psychiatre avait pouffé alors.
— Croyez-moi, il n'est pas insensible à vos sentiments. Au contraire, une personne malade dans sa tête a conscience du mal qu'il fait aux autres. S'il en a conscience, c'est parce qu'il tient à ces personnes. Que ce soit vos amis ou vous, il sait que le frein qu'il met vous blesse autant que ça le blesse. Bref ! Ne soyez pas dure envers vous. Restez auprès de lui le plus possible. Le reste deviendra une évidence à ses yeux. Il lui faut juste le déclic qui le pousse à consulter et à trouver une solution de soins...
Kaya regarda son salon et baissa les yeux.
— Le déclic... Est-ce que je peux croire que tu pourrais être ce déclic, petit bébé ?
Son téléphone sonna alors. Oliver tentait de la joindre.
— Allo ? Oliver ? Salut !
— Hello toi ! Alors ? Comment ça s'est passé avec Ethan ? Tu es allée le voir ?
— Oui, mais ça a été une catastrophe...
— Comment ça ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
— Il a voulu me faire peur et il a réussi... Enfin, disons que j'ai eu davantage peur pour le bébé que pour moi.
— Qu'est-ce qu'il a fait ?
Kaya hésita à lui parler de l'agression sexuelle qu'il avait essayée d'exercer sur elle. Ce n'était pas l’Ethan qu'elle voulait lui relater.
— Cela n'a plus d'importance. Il a juste voulu me prouver quel connard il pouvait être pour m'éloigner de lui. Si j'ai pris la fuite, ce n'est pas parce qu'il a réussi à m'impressionner, mais parce que j'ai sous-estimé le facteur bébé dans l'équation. Je dois faire attention à cette grossesse dans la reconquête de son cœur. Je me rends compte que je ne dois plus penser les choses seule, mais pour deux...
Elle posa sa main sur son front et souffla.
— Je n'arrive pas à croire la manière dont je parle. Penser pour deux... Incroyable !
— Tu parles joliment, dis donc !
Kaya s'esclaffa.
— Ne te moque pas, s’il te plaît ! Ce n'est pas drôle. Je ne sais pas quoi faire ! J'ai l'impression d'être prise entre deux feux ! Entre le bébé et Ethan. Et ma balance penche d'un côté ou de l'autre, alors que je ne devrais pas vivre cette hésitation, je ne devrais pas avoir à favoriser l'un au détriment de l'autre.
— Kaya, il est clair que la découverte de ta grossesse te déstabilise mentalement. Je pense que tu devrais d'abord te focaliser sur ta maternité avant Ethan. Ethan a le temps de revenir à toi. La grossesse, c'est maintenant. Pas dans un an ! Quand as-tu rendez-vous pour l'échographie ?
— L'échographie de datation est jeudi.
— Tu veux que je t'accompagne ?
— C'est gentil, mais je ne crois pas que ce soit pertinent qu'un autre homme que le père de ce bébé vienne le rencontrer... Ne m'en veux pas, mais...
— Je comprends... Je sais que ce moment va t'être difficile. Tu m'appelles si besoin, hein ?
— Oliver... Je ne sais pas quoi faire concernant le bébé...
Elle l'entendit rire au bout de la ligne.
— Tu crois ? Moi, je sais ce que tu vas faire...
Un silence entre eux s'installa avant qu'Oliver reprenne.
— Ne doute pas de toi. Le bébé ou Ethan, la question ne s'est pas posée jusque-là. Ce sont les deux, c'est évident ! Même si aujourd'hui, tu dois surtout t'occuper de toi ! Cette grossesse va t'affecter, toi, au-delà du bébé. Je sais que l'avortement est loin d'être une option réelle pour toi, n'est-ce pas ?
— Je me sens tellement perdue... J'aimerais tellement qu'Ethan ne prenne pas mal cette grossesse.
— Je sais. Tu trouveras une solution.
— Je dois trouver un plan B à mon ultimatum de connasse...
— Tu n'en es pas une, tu ne le seras jamais. Est-ce nécessaire d'aller jusqu'au bout ?
— Je n'ai pas le choix, je dois lui instiller... un déclic en lui. Tu crois que, si je le provoque au Mario Kart, genre « je gagne, tu reviens », il voudra ?
Elle se mit à rire jaune de son idée ubuesque.
— Je suis vraiment pitoyable à chercher des idées pareilles !
— Tu l'auras, Kaya. Rien ne te résiste longtemps...
— Tu me surestimes, je pense.
— Non, je te connais maintenant suffisamment pour savoir combien ta force est dans ton naturel ! Ne cherche pas à être ce que tu n'es pas.
— Je crois que je vais aller dormir un peu. Je me sens lasse.
— Les hormones te travaillent ! put-elle l'entendre se moquer gentiment d'elle. Oui, pense à toi d'abord.
— Merci d'être là... lui dit-elle finalement dans un souffle.
— Je t'en prie. Surtout, garde le moral.