Bonjour à tous !
Noël approche et nous rentrons pile poil dans la période où se passe cette histoire. Il me tarde que la sortie de ce tome arrive. Bientôt la date ! Courage !
3
BUTÉS !
Kaya regardait le plafond de sa chambre, l’air songeur. Cette journée avait été, contre toute attente, pleine de surprises. Revoir Ethan l’avait complètement paniquée. Elle ne s’y était pas préparée et pourtant, encore une fois, elle aurait presque pu oublier sa vie en restant dans ses bras, au milieu de cette patinoire.
Ressaisis-toi, Kaya ! Tu as cette impression de bien-être avec lui, simplement parce qu’il t’apporte de la nouveauté dans ta vie si chaotique. C’est tout !
Elle soupira un grand coup.
— Il est coriace ! Il ne lâche pas l’affaire facilement en tout cas…
Elle se mit à rire légèrement. Elle se sentait vraiment flattée et le trouvait finalement touchant. Elle repensa à son cinéma au zoo, puis à sa surprise à la Tour Eiffel, ses chutes successives, leurs bagarres, leurs rires, son regard et son sourire amusé…
— Rhaaaaa ! lâcha-t-elle tout en tapant des pieds le matelas. Il m’énerve !
Ethan n’avait pas hésité une nouvelle fois à la suivre en silence après leur discussion houleuse à la patinoire. Elle n’avait pas remarqué sa présence. Ni dans la rue ni dans le métro. Ce n’est qu’une fois entrée dans le bâtiment où elle vivait désormais, alors qu'elle cherchait la clé de son appartement dans son sac à main, qu’elle entendit le bruit distinctif des portes de l’ascenseur s’ouvrir. Ethan en était sorti et lui avait fait face, les mains dans les poches de la veste et le visage fermé. En fait, elle y avait même perçu une tristesse qu’elle s’était refusé d’accepter. Était-ce son imagination ? Il l’avait regardée de la tête aux pieds, puis la porte derrière elle.
— C’est donc là que tu vis ? se rappelait-elle de ses paroles. Évidemment… Je n’aurais jamais pensé te trouver dans ce quartier…
Kaya avait attrapé les clés dans son sac qu’elle avait enfin retrouvées et avait souri amèrement.
— Tu m’as suivie… Que dois-je faire pour que tu comprennes ?
Elle avait pris alors un ton volontairement plus dur, mais la gêne n’avait pas donné l’effet voulu à ses paroles. Finalement, cela passait plus pour de la lassitude que de la colère.
Il fallait pourtant qu’il s’éloigne absolument de moi… Je ne peux pas continuer à le fréquenter. Mais en fin de compte, je ne pense pas que je serai un jour suffisamment convaincante avec un homme si entêté. Comment en suis-je arrivée à me débattre autant avec un connard ?
Kaya sentit son cœur se serrer à l’idée de l’avoir mis à nouveau à distance. Elle se tourna sur le lit et se recroquevilla en pensant à la suite. Ethan l’avait dévisagée. Une certaine colère était apparue à travers ses petits vaisseaux qui ressortaient sur ses tempes et qui pulsaient. Son regard s’était également durci.
— Je voulais juste m’assurer que tu ne dormais pas sous les ponts. Mais vu la gueule de l’immeuble et du quartier, je crois que j’ai du mal à comprendre… Certaines choses m’ont très clairement échappé.
— Richard avait un appartement libre, déjà meublé, dans cet immeuble. Il n’avait pas de locataire. Quand j’ai dû lui expliquer notre contrat et ma situation catastrophique, il m’a proposé cet appartement dans ce quartier chic de Paris. Il ne veut pas de loyer. Le but étant que, sans loyer à régler et grâce à l’argent du contrat gagné et utilisé par tes soins la première semaine pour payer mes factures courantes, je puisse relever un peu la tête. Juste l’affaire de quelques mois le temps de me faire un peu d’argent, donner ma part mensuelle de dettes à Phil et Al et trouver un boulot pouvant me permettre de faire quelques économies… Devant son insistance, j’ai accepté son aide. Ça me permettait aussi de ne pas avoir à m’expliquer avec toi. Je me doutais que tu chercherais des explications à mon départ et je… je ne voulais pas rendre les choses plus difficiles, compliquées… Disparaître me semblait plus simple à ce moment-là…
Elle avait alors baissé la tête, honteuse de sa fuite.
— Donc, tu acceptes son intervention dans ta vie, mais pas la mienne ? Je peux pourtant… te soulager, moi aussi.
Kaya n’avait rien rétorqué. La vérité était qu’elle avait peur de se complaire dans son « aide ». Son silence avait agacé encore plus son interlocuteur. Ethan s’était mis alors à rire amèrement. Il avait secoué la tête et cette fois-ci, Kaya avait pu vraiment y lire une déception sur son visage. Et cela l’avait blessée, malgré elle. Elle s’était alors avancée vers lui et lui avait attrapé la manche de sa veste délicatement.
— Tu m’as déjà beaucoup aidée, Ethan. Ce n’était peut-être pas volontaire au début, mais sans ta présence, je ne serai pas ici aujourd’hui. Richard m’aide beaucoup aussi, mais je sais également que je ne peux le garder dans ma vie non plus. Je vais le décevoir tôt ou tard, mais je n’ai pas le choix… Ma vie est… vénéneuse pour les autres. J’ai l’impression déjà de m’être trop servi de vous sans pouvoir vous le rendre comme je le voudrais…
Elle avait baissé les yeux à ce moment, triste d’arriver à cette conclusion qui ne ressemblait pas à sa façon d’être avec les gens.
— Mon passé m’a déjà prouvée qu’il ne fallait pas que je m’entoure… continua-t-elle, fataliste. Au-delà de ça, toi et moi…, cela ne fonctionnera jamais. Nous voyons la relation homme-femme différemment. J’aime Adam. Toi, ce n’est que du passe-temps. Ça ne collera pas, quoiqu’il arrive. Pardon.
Elle avait ensuite senti les larmes lui monter aux yeux, mais il fallait qu’elle reste forte face à sa solitude. C’était le mieux pour tout le monde.
— Rentre chez toi, Ethan. Je vais bien… Aussi bien que je puisse l’être.
Elle lui avait lancé un petit sourire entendu et s’était retournée vers sa porte pour insérer sa clé dans la serrure. Ethan l’avait regardé faire en silence, puis avait reniflé de façon peu convaincue avant de la bousculer et entrer dans son appartement sans sa permission.
— Qu… Qu’est-ce que tu fabriques ?! lui avait-elle demandé aussi surprise qu’agacée par son comportement enfantin et buté.
Il avait alors balayé le logement du regard puis avait souri. Effectivement, son nouvel appartement semblait plus chaleureux que celui sans électricité ni meubles. Il avait alors paru soulagé. Cela ne l’étonna certainement pas de Laurens et son goût du raffinement. Il ne manquait rien.
— Tu as même la télé !
Kaya avait regardé l’écran plat, gênée.
— Un comble, n’est-ce pas ?
— Comment vas-tu faire ? Tu comptes jouer la souris cachée dans son trou en espérant que le méchant chat ne la trouve jamais ? S’ils voient ton nouvel habitat, ne crois-tu pas que les deux enfoirés vont se poser des questions et vont donc te demander des réponses ? Car tôt ou tard, ils te retrouveront, n’est-ce pas ? Que vas-tu faire ? Il est évident que leur colère ne se sera pas calmée… Au contraire !
— J’y pense tous les jours… Je pensais prendre un mois, le temps de toucher ma première paie, puis j’irai les voir.
Ethan s’était retourné, interloqué par ses propos.
— Tu n’es pas sérieuse ? Tu ne comptes pas aller voir ces salauds seule, après ce qu'il s’est passé la dernière fois ? Tu es inconsciente, ma parole !
Ethan s’était ensuite attrapé les cheveux, encore plus inquiet d’être mis de côté face à un danger bien présent. Son insouciance l’avait exaspéré sans doute une nouvelle fois.
— Je n’ai pas le choix ! lui avait-elle répondu aussi fort. C’est ma vie, ça ne te regarde pas.
— C’est moi qui les ai frappés ! Ils vont être plus qu’en colère, sans parler de ton retard, car tu n’as pas apporté ta dette et de ta disparition subite… Ces gars ont failli te violer la dernière fois ! Que crois-tu qu’il se passera la prochaine fois ?
Kaya n’avait pas voulu croiser son regard, bien consciente de ce qu'il pouvait se passer, mais les choses pouvaient être bien pires si elle n’y retournait pas.
— Cela ne te regarde pas… lui avait-elle répété cette fois-ci, plus doucement. Ce sont mes problèmes, c’est ma vie.
Ethan avait soupiré. Il s’était ensuite approché d’elle et lui avait saisi le bout des doigts.
— Tu crois franchement que je vais repartir et oublier, sachant ce qui t’attend ? Je ne suis pas ce genre d’homme. Tu… n’as pas récupéré tout ton salaire pour la concrétisation du contrat. On avait signé pour vingt mille euros le mois plus une prime de dix mille euros si signature de Laurens. Tu n’as fait certes qu’une semaine que je t’ai payée en réglant tes factures courantes, mais tu n’as pas eu ta prime.
Kaya sonda ses yeux chocolat, soudainement devenus plus doux.
— Je ne prendrai pas cette prime, Ethan. Par respect pour Richard. J’ai déjà assez abusé de lui et prendre cet argent serait vraiment déplacé. Je suis déjà une personne peu respectable. Je ne veux pas en rajouter une couche. Ce qu’on a fait à Richard était mal.
— Mais cet argent t’aidera à…
Kaya se souvint alors de la douceur de son regard. Elle avait posé son index sur sa bouche pour le faire taire.
— Merci, mais ça ira.
Elle lui avait souri légèrement et avait posé ses lèvres sur sa joue droite pour un petit baiser. Cela avait été plus fort qu’elle. À cet instant, son côté connard était bien loin et sa façon de s’inquiéter pour elle lui avait aussi bien serré le cœur que le forcer à battre encore plus fort.
— Tout ira bien. Merci, Ethan. Je pense que tu devrais rentrer maintenant.
Ethan était reparti quelques minutes plus tard, après une forte insistance de sa part. Et Kaya ne pouvait s’empêcher depuis de s’interroger sur leur discussion. Elle regrettait déjà de l’avoir mis à distance, mais au-delà de son aide, de ses propositions, c’était la chaleur de son regard qui allait indubitablement lui manquer. Elle l’avait vu peu de fois. Pourtant, son regard si doux, si chaud, avait saisi son cœur puis son corps entier toute une nuit. Au point de perturber tous ses sens, toutes ses certitudes et effacer toutes ces fois où il l’avait fusillée des yeux, où il avait été odieux. Elle n’était pas retournée sur la tombe d’Adam depuis le jour de son départ de chez lui.
Elle se sentait mal à l’aise. Une semaine à donner un sens à tout ce qui se bousculait en elle. Elle avait songé pouvoir faire face à Adam, voulant faire disparaître les derniers jours passés avec cet homme si détestable et rendre une certaine normalité à sa vie. Malgré tout, sa vie avait changé. Ses sentiments avaient été perturbés. Il avait même monopolisé ses pensées. Ce qui devait juste être une nuit sans lendemains avait été plus intense qu’elle ne l’aurait imaginée. Elle lui avait offert bien plus d’elle qu’elle ne l’eût souhaité. Ou bien était-ce lui qui en avait pris plus qu’elle ne lui aurait autorisé ? Toujours était-il que sa relation avec Ethan avait pris une dimension bien plus prenante dans sa vie que ce qu’elle avait prévu. Au point même de se trouver honteuse, perdue, devant la tombe le jour où elle avait rompu son contrat avec Ethan. Elle s’était figée devant la stèle et n’avait pas prononcé un mot. Sortir des mots de sa bouche lui avait été trop difficile. Que pouvait-elle dire à Adam pour justifier son acte adultère ? Quel argument pouvait être recevable pour atténuer sa culpabilité ? Adam était resté silencieux, lui aussi. Que dire de leur situation ? Ce matin-là, devant sa tombe, elle avait réalisé une nouvelle fois qu’elle était maintenant la seule à faire vivre leur amour, mais aussi celle qui pouvait le faire disparaître. Une effrayante pensée qui l’obligea à prendre du recul sur ce qu’elle faisait, ce qu’elle ressentait, ce qu’elle devait faire à l’avenir. Et cela passait par ne plus le voir non plus, le temps de remettre les évènements au clair.
Kaya regarda, songeuse, le plafond blanc de sa chambre.
Mon présent est déjà un gros n’importe quoi… alors mon avenir !
Elle attrapa alors son oreiller et se cacha le visage pour ne plus penser à son passé, son présent et son futur.
Ethan tournait en rond derrière son bureau, chez lui. Il n’arrivait pas à se satisfaire du résultat de leur rencontre. Leurs trop grandes différences étaient ce qui la poussait à l’éviter. Elle refusait tout bonnement son implication dans sa vie, de quelque façon que ce soit. Il ne pouvait accepter ce constat, cette résignation. Et c’était d’ailleurs la raison pour laquelle il l’avait suivi en cachette jusqu’à chez elle. Il se trouvait même ridicule de l’espionner ainsi, comme un pervers en manque. Cela en était presque risible. Lui, en manque ?
N’importe quoi ! C’était juste de la curiosité à ce moment-là !
Il ne devait pourtant pas couper ce lien qui le maintenait à elle, même pour une justification qui lui paraissait plus ou moins acceptable. C’était comme un pressentiment, une petite voix dans sa tête qui lui disait de ne rien lâcher. Il n’avait pas eu toutes les réponses à ses questions. Encore beaucoup trop d’incertitudes le taraudaient pour retrouver une sérénité. Cette attirance qu’il éprouvait, toujours plus vive, ce besoin de se sentir utile à ses yeux, ce désir de partager des instants avec elle où il pouvait jouer et être lui-même…
En fin de compte, c’était sans doute l’unique raison pour laquelle il s’accrochait autant à la revoir. Il pouvait jouer franc-jeu, ne pas se cacher derrière un masque. Une sorte de cache-cache entre eux où elle finissait toujours par le démasquer et le déstabiliser. C’était certainement ce jeu qu’il aimait le plus. Elle était la première femme à se moquer de ses stratagèmes ouvertement. Il en créait d’autres et le jeu repartait. Sauf que cette fois-ci, Kaya se refusait à jouer et cela le perturbait. Il se sentait abandonné. Aussi, quand il la vit rire à gorge déployée sous ses chatouilles, il n’avait pu se retenir. Il lui avait donné ce baiser et avait réitéré sa demande…
Comment ai-je pu lui demander de devenir son jouet ? Putain, ça ne va vraiment pas ! Je me suis fait la promesse de ne plus être le jouet de personne et avec elle, je…
Ethan lâcha un grognement et fit voler des dossiers de son bureau d’un geste de la main.
Merde ! Je fais vraiment n’importe quoi quand je suis avec elle !
Cela avait été plus fort que lui… Tout ce qu’il voulait, c’était pouvoir encore la voir. Reparler d’un moyen d’être ensemble à la patinoire alors qu’elle était sensiblement sur la défensive n’avait pas été très intelligent, pour lui qui se targuait d’avoir un QI hors-norme. Mais ce moment passé ensemble lui avait fait peut-être un peu trop espérer un retour possible en grâce. Grosse désillusion. Il avait pourtant senti l’hésitation en elle sur son refus d’être auprès de lui, la joie de patiner avec lui, cette connexion toujours aussi bizarre entre eux entre attraction et répulsion. Il espérait, en forçant son invitation à entrer chez elle, qu’il pourrait avoir plus d’éléments à sa décharge, mais ce ne fut pas plus brillant. Il détestait cette impuissance. Il avait pu se rassurer un peu en voyant où elle habitait. Malgré tout, il savait que cela ne suffirait pas pour la garder dans son périmètre d’action. Il pensait que seul Adam pouvait être un obstacle à ses objectifs. Le problème de ses dettes était aussi une grosse épine dans le pied. En y réfléchissant, c’était le plus gros obstacle. Elle ne lui avait jamais caché ses craintes sur le danger qu’il encourait à la fréquenter, lorsqu’il était intervenu pour la sauver de ces deux hommes de main.
Il leva alors la tête, comme si la lumière venait de traverser son esprit embrumé par toutes ces questions sur sa relation avec Kaya sans réponses. Très vite, il se précipita sur son téléphone portable, posé sur son bureau, et appela Eddy.
— Oui, c’est moi !
— Eh ! Salut, man ! Quoi de vieux ?
— Eddy, as-tu fait les recherches sur ce que je t’avais dit à propos des dettes de Kaya ?
Ethan put entendre soupirer Eddy à travers le combiné.
— Écoute, ne crois-tu pas qu’il serait peut-être bon de passer à autre chose ? Cela fait dix jours qu’elle t’a planté et elle a volontairement effacé ses traces. Je ne l’ai pas retrouvée et j’en suis sincèrement désolé. Mais il faut que tu te fasses une raison : cette fille ne veut pas de toi. Et ce n’est pas en remuant les vieux dossiers pleins de pus que cela arrangera les choses. Elle le prendra très mal, je pense.
— Je ne t’ai pas demandé de me faire la morale ! lui répondit-il sèchement. Je veux juste que tu répondes à ma question ! Je l’ai revue pour ta gouverne et je compte bien tout savoir pour mieux gérer ses réactions. Donc as-tu du nouveau pour moi ?
— Sérieux, tu l’as revue ?! s’étonna Eddy de l’autre bout de la ligne. Comment l’as-tu retrouvé ?! Comment va ma poulette ? Elle t’a dit quoi ?
— Elle va bien… lui répondit-il, presque abattu. J’ai pu discuter un peu, mais elle se braque très vite sur n’importe quelle intervention de ma part dans sa vie.
— Ethan, bourreau des cœurs insensible, qui court après le lapin d’Alice au Pays des Merveilles ! Qui l’aurait cru !
— Ah ah ! Ça va ? Tu prends ton pied, là ? Pauvre con !
— Ne sois pas amer. Kaya est une fille atypique, je reconnais. On rigole bien avec elle.
Ethan ne répondit rien à cette constatation. Eddy sentit à travers le téléphone le trouble de son ami face à son silence éloquent.
— Et donc, tu voudrais savoir qui est son créancier alors que, justement, elle te met à distance ? reprit-il plus vivement pour ne pas déstabiliser davantage Ethan. Ne serais-tu pas un peu idiot ou suicidaire, vu son tempérament ?
— Je me fiche que ça lui plaise ou non, à vrai dire. Je cherche des solutions pour qu’elle ne me mette pas à l’écart, donc sois pour une fois compatissant et dis-moi que tu as quelque chose.
Ethan put l’entendre rire légèrement.
— Toi, tu es accro ! Putain, c’est bon, ça ! Enfin !
— Je ne suis pas accro ! Ne dis pas de conneries ! Je veux juste comprendre… Arrête de me chercher sur ce terrain-là !
— Comprendre quoi ? Pourquoi elle te protège de sa vie morose ? Il n’y a rien de compliqué. Elle a du cœur, c’est tout.
— Je me fiche qu’elle ait du cœur ! Je me fiche qu’on me protège. Je veux juste… Je veux savoir ce qu’elle fait, avec qui, où… Ce n’est pas une question d’être accro, je veux juste me rassurer.
Ethan lâcha un grognement désespéré et s’assit sur le fauteuil de son bureau, puis posa sa main sur son front, son coude contre un dossier ouvert.
— En fait, je ne sais pas ce que je désire… finit-il par dire, dépité… En temps normal, je me ficherai royalement du devenir d’une femme avec qui j’ai…
Pendant quelques secondes, Ethan se tut, gêné, puis il toussota, se rendant compte qu’il y avait des détails qu’il devait garder pour lui pour l’instant. Son attitude était déjà bien trop anormale pour en rajouter une couche.
— Depuis que tu l’as rencontrée, j’ai l’impression de voir un lion en cage… souffla alors Eddy, compatissant et compréhensif. Les brides qui te retiennent, celles que tu t’es mises volontairement pendant ces vingt dernières années pour ne pas blesser et être blessé, sont finalement les entraves qui t'empêchent d’avancer avec elle. Ethan, si je te dis ce que j’ai trouvé, que vas-tu faire ? Avancer ? Si tu lâches tes brides, tu sais que tu pars à découvert. Es-tu prêt à surmonter cela sans y laisser des plumes à nouveau ? Crois-tu avoir évolué depuis ?
— Je ne sais pas. Je me pose plein de questions pour être franc. Tout ce que je sais, c’est que je n’arrive pas à faire l’impasse. Ça me bouffe. Je ne suis pas satisfait de la place du recalé.
Eddy se mit à rire.
— C’est sûr que cela faisait bien longtemps qu’on ne t’avait pas pris pour un bleu, le Bleu !
Ethan bougonna.
— Très drôle. Fous-toi de ma gueule.
— Tu sais, Kaya a de gros problèmes. Ne prends pas ses intentions à la légère. Même si elle t’en fait voir de toutes les couleurs, même si entre vous c’est le feu et la glace, elle tient suffisamment à toi pour te tenir à l’écart de ses soucis, donc estime-toi déjà heureux.
Elle tient à moi ?
Ethan repensa à sa lettre. Outre le fait de vouloir le protéger de ses dettes, elle lui reprochait aussi d’être trop heureuse de sa situation auprès de lui. Elle se sentait en danger et elle y mettait volontairement une distance. Il ne pouvait l’accepter. Il avait l’impression d’être loin d’en avoir fait assez pour pouvoir creuser un peu plus leur relation. Pouvait-il vraiment croire qu’elle tenait à lui ? Même un peu ? Que cette nuit avait une signification plus intime qu’un simple tête-à-tête sous la couette entre deux adultes consentants ?
Impossible ! Ce n’est pas du sentiment, juste de la bienveillance. Elle ne tient pas particulièrement à moi… C’est juste le côté matériel que j’ai amélioré qui…
Ethan s’agita sur son fauteuil et se gratta le haut du crâne. Une boule de stress se forma instantanément en lui à l’idée qu’elle puisse éprouver un sentiment amoureux à son égard. Que ferait-il ? Comment réagirait-il ? Il se pencha et cogna alors son front contre son bureau pour se remettre les idées en place.
— Tout va bien ? s’interrogea Eddy, surpris par le bruit qu’il avait entendu à travers le combiné.
— Ouais ouais… lui répondit-il las, sans bouger d'un poil sa tête contre le dossier ouvert.
Il se frotta alors la poitrine pour calmer ce picotement et dénouer cet instant de stress.
Elle ne peut m’aimer ! Alors pourquoi j’ai le sentiment que ça me fait chier !
— Dis-moi ce que tu as trouvé ? lui demanda-t-il alors, pour effacer ses suspicions.
— Son père était un joueur invétéré, connu dans le milieu du jeu. Ma petite enquête m’a permis de découvrir qu’il avait fait le tour de tous les casinos et qu’il a été au fur et à mesure une persona non grata. Ses mauvaises habitudes ont vite poussé les gérants de casinos à ne plus l’accepter. Seul un a continué à lui faire des crédits pour l’aider à retrouver sa chance. Il lui prêta de l’argent. Encore et encore. Puis quand la somme devint suffisamment astronomique, il arrêta net et ordonna le remboursement. Le problème, c’est que pour éponger, on l’invita à faire le boulot de basse besogne.
— Qu’a-t-il fait pour lui ?
Eddy soupira.
— Je doute que Kaya le sache… Il a dealé de la drogue.
Ethan bougea sur le fauteuil de son bureau et se passa la main sur le visage. Elle ne lui avait pas mentionné ce détail et il venait à penser comme Eddy qu’elle devait ignorer ce fait. À moins qu’elle lui ait caché volontairement…
Putain, Kaya ! Ne me dis pas que tu as repris son trafic !
— OK, continue.
— Une partie des ventes devait servir à éponger ses dettes, soi-disant. Mais son père était, d’après ce que j’ai entendu, plus fourbe que cela et a tenté de doubler le patron du casino. Était-ce parce qu’il voulait rendre sa fille plus heureuse en profitant de cet argent ? Qui sait ? Le patron a donc commencé à effrayer M. Lévy en proférant des menaces sur sa fille, donc Kaya. J’ignore ce qu'il s’est réellement passé entre son père et elle. Mais si elle a hérité de tous ces problèmes, c’est bien parce que son père a déconné grave !
— Son nom ! demanda froidement Ethan, maintenant vraiment inquiet pour Kaya.
— Tu feras quoi si je te le dis ? Ce n’est pas n’importe qui dans le milieu. Moi-même, avec Tito, nous avons dû la jouer fine pour ne pas éveiller les soupçons lors de notre enquête.
— Je m’en fous ! Son nom ! lui cria-t-il maintenant.
— Gianni Barratero, patron du casino L’Excelsior. Ethan, que vas-tu faire ?
— Je ne sais pas.
— Ne va pas te foutre dans la merde à cause d’elle. Ce ne sont pas des rigolos, je suis sérieux !
— Elle leur doit cent cinquante mille euros…
— C’est une sacrée somme… Merde ! lança Eddy, presque défaitiste.
— Tu crois qu’on peut les faire plonger ? tenta d’espérer toutefois Ethan, sans trop y croire.
— Tu sais, je pense qu’il serait difficile de faire quoi que ce soit dans ce sens. Barratero est rusé. S’il ne s’est pas fait coffrer au bout d'autant d’années, c’est qu’il sait mener sa barque et que la police n’a pas assez de billes pour le mettre au trou. Et je doute que l’histoire d’une fille paumée et endettée vienne à résoudre tous leurs manques sur ce dossier. Si Kaya n’est pas allée trouver la police avant, ou si elle l’a déjà fait, de toute évidence le résultat montre que le problème est loin d’être simple. À part payer ses dettes, il y a peu de solutions…
— Ok Eddy, merci.
Ethan raccrocha sans même lui dire un « au revoir » ni même attendre une réponse. Il se dirigea dans le salon et se laissa tomber sur son canapé, tête la première dans les coussins. Il était assommé par ce qu’il venait d’entendre. Plus il tentait de trouver des solutions, moins il voyait le bout du tunnel. Réduire leurs différences semblait impossible. Il pouvait mettre un pansement à ses plaies, mais ne pouvait les guérir définitivement. Il ne pouvait que reconnaître qu’elle avait raison. Il se retourna et regarda son plafond.
À part payer ses dettes, il y a peu de solutions…
Cent cinquante mille euros… Il les avait sur son compte. Il le savait. Mais retirer cent cinquante mille euros, c’était comme dire adieu à un avenir radieux avant un moment. Était-il prêt à foutre en l’air cent cinquante mille euros pour une femme qui le détestait, pour une relation qui s’annonçait comme la plus grosse supercherie de sa vie ?
Cent cinquante mille euros…
Il révisa dans sa tête tous ses projets à venir qu’il ne pourrait réaliser s’il venait à éponger cette dette. Ce serait le plus gros pari de sa vie s’il venait à le faire. En même temps, il ne doutait pas que Kaya ferait tout pour le rembourser. Un moyen qui lui permettrait, sans nul doute, de la garder près de lui, dans son champ d’action…
Ethan respira un grand coup. Il leva la main, prêt à frapper à sa porte. Il avait peu dormi. Il avait réfléchi à leur situation durant des heures, en vain. Le seul constat évident qui en découlait était qu’il avait besoin de ses bras. Une envie irrépressible de se lover contre elle. Un signe alarmant, complètement insensé, mais de plus en plus envahissant et qui le rendait dingue depuis leur fameuse nuit ensemble. Il savait qu’elle refuserait cette demande. Malgré tout, il s’était pointé devant chez elle à huit heures, ce jeudi matin, à quelques jours de Noël juste pour apaiser ce mal.
Allez, petit père ! Frappe ! Tu peux le faire !
Trois coups, un bruit de fond derrière la porte et enfin la délivrance. Ses yeux s’écarquillèrent quand elle le vit. Instinct féminin sans doute, elle se regarda de la tête au pied, puis rougit. Sa tenue ne devait pas être présentable à ses yeux, d’après son jugement. Ethan se mit à sourire. Ce n’est pas son pyjama avec des petits nounours qui le rendait heureux. C’était surtout de retrouver cette fameuse paire de chaussons à têtes de vache. Un petit détail qui avait toute son importance à ses yeux. Il se sentait d’un coup et malgré lui en territoire familier, même si elle se refusait à admettre la réalité de leur semaine de cohabitation.
— Salut… lui dit-il doucement.
— Salut.
Kaya afficha un air perplexe à sa venue si tôt.
— Puis-je entrer ? demanda-t-il, hésitant.
— Je n’ai pas beaucoup de temps. J’ai ma première journée d’essai en tant que caissière dans un supermarché aujourd’hui. Ils m’ont appelée hier soir. J’ai décroché un boulot.
Elle le laissa cependant entrer, à son grand soulagement. Elle s’affaira alors. Elle fonça dans sa chambre au bout de l’appartement et en revint habillée deux minutes plus tard, prête à enfiler ses chaussures d’un pas pressé.
— Je suis venu te rendre ça…
Kaya jeta un œil sur l’objet qu’il déposa sur le petit comptoir séparant sa kitchenette de son micro salon. Elle stoppa son mouvement, interloquée.
— Ce n’est pas à moi. Je n’en ai pas besoin.
Ethan regarda le téléphone portable, nostalgique.
— J’aimerais que tu le gardes… au cas où. Si tu as besoin d’aide ou si tu veux juste parler. L’abonnement est payé et…
— Ethan ! l’interrompit-elle sèchement. Je n’en ai pas besoin.
Elle enfila son manteau, attrapa son sac à main et l’invita à sortir.
— Garde-le. Je ne t’appellerai pas avec.
Ethan la fixa, agacé.
— Tu le garderas. Je ne te laisse pas le choix !
— Pardon ? lui fit-elle répéter.
— Tu as très bien compris !
Il attrapa l’objet du conflit hargneusement et le déposa dans la poche du manteau de la jeune femme. Kaya fronça les sourcils et le poussa vers la sortie. Elle ferma sa porte à clé tandis qu’Ethan se trouvait fier de son insistance qui payait enfin. C’est alors qu’il la vit retirer le téléphone de sa poche et son bonheur s’effaça en une fraction de seconde.
— Je n’en veux pas !
Elle tenta de lui attraper sa main pour rendre l’objet à son véritable propriétaire, mais Ethan comprit rapidement l’initiative et esquiva.
— Ne fais pas l’imbécile ! Je vais être en retard ! Donne-moi ta foutue main ! s’agaça-t-elle à vouloir saisir en vain une des mains de l’homme buté.
Ethan s’amusa à bouger ses bras dans tous les sens pour l’empêcher de gagner ce nouveau duel. La voir s’activer autour de lui lui plaisait et il ne put que constater qu’elle retenait elle aussi un sourire.
Oui… Joue avec moi, Kaya…
Son adversaire fut toujours à la hauteur de ses espoirs. Il leva un de ses bras, pensant à esquiver une de ses attaques, et se retrouva idiot quand il réalisa qu’elle venait de glisser le téléphone dans sa poche de veste. Elle lui fit un salut militaire furtif avant de s’empresser d’aller appuyer sur le bouton d’appel de l’ascenseur, telle une voleuse à deux doigts de se faire pincer par les forces de l’ordre.
Peste !
Il regarda un instant le sol du couloir, heureux de retrouver cette dose de défi entre eux, puis soudainement se précipita pour la rejoindre. Kaya leva alors sa main en défense.
— Même pas en rêve ! Je ne veux pas de ton téléphone ! lui dit-elle, mi-menaçante, mi-amusée.
— Tu le garderas ! fit-il avec un grand sourire. Tant pis s’il faut que tu sois en retard pour ton nouveau boulot. Je m’en fiche, j’ai tout mon temps !
Il posa ses mains sur ses hanches pour montrer que sa patience demeurerait infaillible.
— Quel sérieux, M. le PDG ! pouffa-t-elle. Pauvres employés qui ignorent l’être futile qu’est leur patron ! Désolée, je n’ai pas le temps, je suis une employée sérieuse, moi !
Elle lui tourna le dos et entra dans l’ascenseur… et il n’hésita pas à la suivre. Les portes se refermèrent et il appuya sur la touche « RDC ». Il s’approcha ensuite d’elle avec son petit sourire provocant qu’elle connaissait maintenant parfaitement. À chaque pas avancé, elle reculait, jusqu’à ce que son dos heurte une des parois de l’ascenseur.
— Si tu crois qu’en m’acculant dans un coin de l’ascenseur, je vais changer d’avis, tu te trompes !
— Vraiment ? lui dit-il, séducteur.
Leurs corps étaient presque collés l’un à l’autre. Instinctivement, Kaya glissa ses mains dans ses poches pour contrer toute action avec son téléphone. Elle pouvait sentir son souffle s’écraser contre son visage. Ses prunelles s’étaient foncées à cause d’un plaisir évident à être contre elle. Cette situation lui rappela celle de l’ascenseur du bâtiment où vit Ethan et où elle lui avait donné un baiser contre une sortie sportive. Kaya déglutit sur l’instant, n’osant imaginer comment elle réagirait si la scène devait se répéter. Devant l’insistance d’Ethan à se plaquer contre son corps au point presque de la prendre dans ses bras, elle se sentit obligée de retirer ses mains de son manteau et de les poser sur son torse pour le repousser. Mais encore une fois, il ne broncha pas à ce contact.
C’est quoi son problème ? Pourquoi ne m’engueules-tu pas pour avoir bravé l’interdit ?
Ethan comprit sa perplexité affichée sur son visage et appuya un peu plus son torse contre ses mains. S’il pouvait lui-même s’étonner de cet exploit renouvelé, il comprit aussi que finalement n’importe quel contact avec elle ferait l’affaire, pourvu qu’elle craque. Il se pencha un peu plus au-dessus d’elle, l’obligeant presque à plier les genoux pour lui échapper un minimum.
— Kaya, je peux glisser ce fichu téléphone dans ton soutien-gorge si je le veux… lui souffla-t-il volontairement à l’oreille. Tu ne m’empêcheras pas d’arriver à mon objectif.
L’effet escompté ne tarda pas. Kaya se mit à rougir en imaginant les moyens qu’il pourrait mettre en place pour arriver à ce résultat. Elle paniqua immédiatement, sachant très bien que rien ne l’arrêtait quand il partait en conquête. Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent alors, offrant une porte de sortie à ce moment suspendu où elle sentit à nouveau son cœur s’affoler. Elle se faufila prestement loin de son emprise et quitta l’espace exigu. Ethan la regarda s’éloigner quelques secondes, le sourire heureux aux lèvres. Elle se braquait, mais elle n’était pas insensible. Un sentiment de plénitude le gagnait. Ces petits jeux, c’était eux et rien n’était perdu. Il fallut juste qu’elle retrouve son connard pour qu’elle réagisse.
Il continua à la suivre jusqu’à l’arrivée du métro. À cette heure de la journée, les Parisiens s’amassaient dans les rames et très vite Ethan en profita pour plaquer Kaya dans un coin du wagon, prétextant le mouvement de foule. La jeune femme leva les yeux de consternation devant son sourire fier.
— Laisse-moi deviner… Tu es content, car je suis à nouveau coincée !
— Assez oui ! C’est… jouissif !
Kaya le fixa, surprise de ses paroles, mais devant son air taquin, elle ne put s’empêcher de s’esclaffer. Ethan la rejoignit rapidement.
— Il… t’en faut peu ! lui dit-elle, visiblement touchée par sa boutade.
— Arf ! Je me contente de ce que tu veux bien me donner… pour le moment !
Kaya se mit à rougir une nouvelle fois. Ethan posa ses mains de part et d’autre de la tête de la jeune femme pour faire bouclier aux gens à côté trop pressants à leurs égards, n’hésitant pas à les écraser pour se faire leur place. Il la fixa ensuite de façon douce, mais déterminée.
— Mais je ne te cache pas que j’ai envie d’un câlin tout doux dans tes bras. Je suis assez fatigué de te courir après et on ne peut pas dire que tu sois sympa avec moi.
— Seulement un câlin ? Depuis quand te contentes-tu d’un câlin ? Je croyais que tu n’étais pas du genre à faire des câlins !
— C’est vrai. Je te prendrai bien là, maintenant, de suite, sauvagement, mais ça risque d’être compliqué de retenir les gens et de te tenir les hanches en même temps.
Un coup de poing sur le bras fut la réponse immédiate de la jeune femme, honteuse de l’entendre dire de tels mots dans un lieu public, au milieu de tous. Ethan se mit à rire. Il se frotta son bras endolori quelques instants.
La rame de métro freina à ce moment-là. Les personnes du wagon se déportèrent vers l’avant, obligeant involontairement Ethan à s’écraser sur Kaya. Il tenta de se retirer, mais la masse contre lui l’en empêcha. Kaya se trouva plus que gênée de le sentir ainsi, tout contre elle. Elle tourna la tête pour éviter tout contact possible entre leurs lèvres. Elle ne devait pas flancher. Même si son cœur s’emballait de manière inquiétante, elle ne devait pas lui donner d’espoir. Ethan l’observa et comprit qu’elle tentait de refroidir la tension entre eux.
Silence gêné, regard fuyant…
Il se mit à sourire amèrement. Ses joues étaient rouges. Il pouvait lire en elle comme dans un livre ouvert. Il ne la laissait pas indifférente. Il posa alors son front contre son épaule et enlaça sa taille. Il avait besoin de cette étreinte. Comme pour garder courage dans sa quête pour la faire fléchir. Kaya se figea, sentant que ses bras la serraient toujours un peu plus, son souffle s’évaporant contre son cou, leurs cœurs battant l’un contre l’autre. Et cette chaleur. Elle avait les joues en feu. Il fallait qu’elle sorte. Elle était en train de fondre sur place tout cela parce qu’elle n’osait pas lui faire un esclandre devant tout le monde, car malgré tout, il ne méritait pas autant de méchanceté de sa part. L’annonce de la prochaine station la soulagea. Les secondes contre lui lui parurent une éternité de souffrance. Ses bras voulaient l’enlacer aussi. Sa bouche rencontrer la sienne. Sa peau caresser son visage.
Kaya, ne tombe pas dans la facilité ! Ne t'abandonne pas à lui !
Elle ferma les yeux un instant, pour faire le vide. Elle entendit les portes du wagon s’ouvrir et les gens commencer à descendre de la rame du métro. Pourtant, aucun des deux ne s’empressait à rompre ce contact. Elle n’entendait que son souffle de plus en plus fort, de plus en plus difficile. Il savait qu’il devait la lâcher. Il savait qu’elle attendait la fin de cette étreinte alors qu’il rêvait de la prolonger encore un peu. Elle pouvait sentir arriver l’annonce de la déchirure de se séparer. C’était tellement étrange. Elle voulait que cela cesse et à la fois que ça continue, juste un petit peu.
— Ethan, je dois sortir ici… lui dit-elle doucement, avec la crainte de le blesser en le lui annonçant.
— Oui ! dit-il en s’écartant tout en tentant de reprendre son flegme. Désolé. Je crois que je ne suis pas encore assez musclé pour retenir tout ce monde…
Il se frotta le nez, gêné, et lui proposa la sortie. Kaya le regarda avec tendresse pendant qu’il observait les travailleurs du matin monter l’escalier, affairés à ce qui les attendait pendant la journée. Elle s’étonna un instant de sa nonchalance.
Il l’accompagna en silence jusqu’au supermarché où elle avait rendez-vous.
— Bon… dit-elle calmement, comme une annonce de leur séparation.
Tous deux étaient troublés. Ethan ne savait plus quoi dire pour la convaincre, et elle, ignorait maintenant si elle voulait vraiment le repousser.
— Bonne chance pour ton boulot ! lui dit-il gentiment.
Kaya s’étonna que le connard qui l’avait fait virer deux fois l’encourage dans son nouveau travail.
— Je suis paniquée à l’idée de me planter… lui avoua-t-elle alors.
Ethan s’étonna de cet aveu.
— Tu y arriveras.
Une simple phrase et Kaya se trouva complètement bouleversée. Elle le regarda, abasourdie. Un encouragement qu’elle n’aurait jamais cru possible de sa bouche.
— Ah ! Au fait ! déclara-t-il, plus enjoué. J’ai glissé le téléphone dans la poche de ton manteau pendant notre petit câlin ! lui déclara-t-il alors, tout en lui faisant un clin d’œil.
Kaya précipita alors sa main dans sa poche gauche et en sortit le téléphone. Il lui sourit tout en amorçant son départ.
— Je t’avais dit que je gagnerais ! ajouta-t-il tout en s’éloignant d’elle et la saluant. Je gagne toujours !
Elle l’observa s’éloigner quelques instants, désespérée par son obstination…
— Tu m’énerves ! cria-t-elle. Je ne l’allumerai pas !
Elle regarda la machine de la discorde avec attention et pesta.
Il a fini par m’avoir…
Elle alluma le téléphone instinctivement, puis sourit.
Connard !