Bonjour tout le monde !
Voici un nouveau chapitre ! Vous allez découvrir un bout d'Ethan dans ce chapitre. N'hésitez pas à liker le chapitre en bas de page. ^_-
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ORPHELIN
Kaya sortit, épuisée, de sa première journée de travail. Elle était toutefois assez fière d’elle. Tout s’était bien passé, malgré le stress de mal faire qui ne l’avait pas quitté durant toutes ces heures. Elle se sentait donc heureuse. L’avenir se profilait plutôt bien pour une fois. Elle ferma les yeux quelques instants, tandis que son voisin dans le métro lisait Phèdre. La tragédie repasserait plus tard pour elle. Il était hors de question de gâcher sa journée avec des tristesses. Elle avait trouvé un job pas trop mal et c’était déjà un bonheur en soi. Et devant toutes ces considérations, elle finit par repenser à Ethan, son persécuteur notoire, qui l’avait même encouragée pour une fois. Un acte aussi improbable que bienfaiteur pour son moral, malgré son insistance à vouloir s’ingérer dans sa vie. Elle attrapa le téléphone dans la poche de son manteau. L’objet de conflit à l’origine de ce résultat inattendu avait finalement fini par lui revenir à l'esprit : il avait encore une fois obtenu sa reddition. Elle appuya sur le bouton latéral pour illuminer l’écran. À sa grande surprise, elle avait un message. Après réflexion, il ne pouvait y avoir qu’un seul expéditeur s’intéressant à sa pauvre vie et cela ne pouvait être que lui. Elle ouvrit le SMS pour le lire.
Jeu. 18 Déc. 2014 20:37, Ethan
Alors ? Cette première journée ?
Kaya se mit à sourire de cette prévenance dont elle ne le pensait pas capable. Cela contrastait vraiment avec leur début si chaotique. Elle grimaça pourtant. Elle ne devait pas se laisser attendrir par cet homme. Était-ce ce qu’il cherchait ? Pourquoi être si gentil tout à coup ? Pourquoi insistait-il autant ? Quelle conclusion avait-il pu déduire de leur nuit ? Son entêtement à vouloir rester en contact avec elle lui laissait penser qu’il voulait continuer, nul doute, mais pour aller où ? Dans son deal de consolation mutuelle ? Et après ?
N’importe quoi ! On a dit persécuteur ! Ne te laisse pas avoir par ses magouilles pour t’endormir !
Elle éteignit totalement le téléphone. Cet objet était la tentation du diable. Elle ne devait pas lui répondre…
Rhaaaaaa ! Il m’énerve !
Pourtant, au bout de quelques secondes, elle ralluma le téléphone et commença à pianoter un message. Le connaissant, il ne lui ficherait pas la paix tant qu’elle ne lui répondrait pas.
Jeu. 18 déc. 2014 20:41, Kaya
Bien. Je ne suis pas virée ! J’ai même le luxe d’y retourner demain !
Et toc ! Prends ça dans tes dents !
Elle ricana devant sa boutade. À vouloir la chercher, il allait la trouver ! Elle scruta l’horizon un moment. Il faisait nuit. Seules les lumières des fenêtres des immeubles étaient visibles puis disparaissaient de sa vue avec la vitesse du métro. Son téléphone se mit alors à vibrer entre ses mains.
Jeu. 18 Déc. 2014 20:45, Ethan
C’est parce qu’il n’y a que moi qui puisse te faire virer !
Je serais curieux de voir comment tu te débrouilles…
Jeu. 18Déc. 2014 20:47, Kaya
Il n’y a rien à voir ! Trace ta route loin de moi ! Tu n’as pas intérêt à venir sinon je te massacre !
Jeu. 18 Déc. 2014 20:49, Ethan
Grrr ! Princesse Mulan sort ses couteaux pour m’embrocher ! Excitant, tout ça !
Jeu. 18 Déc. 2014 20:50, Kaya
Je ne plaisante pas, Ethan !
Jeu. 18 Déc. 2014 20:51, Ethan
Hâte de voir comment tu vas me torturer ! Tu me consoleras après ?
Kaya se mit à rougir en lisant son message. Consoler… Encore et toujours la même finalité. Instinctivement, revinrent en mémoires ses mains sur ses seins et ses lèvres, sur sa nuque. Sa douce chaleur contre son dos. Elle frissonna alors, puis se secoua la tête pour sortir ces vilaines images de son cerveau.
Jeu. 18 Déc. 2014 20:53, Kaya
Trouve-toi un autre jouet ! Bonne soirée !
Assis derrière son bureau, Ethan rigola en lisant ce dernier message. Il savait qu’il l’avait énervée, mais quel pied ! C’était tout eux et ça lui plaisait toutes ces chamailleries. Elle avait répondu à son SMS pour son plus grand bonheur. Il pouvait rentrer du bureau d’Abberline Cosmetics serein et gonflé à bloc. Le lien n’était pas rompu. Il regarda autour de lui, avec un enthousiasme qui lui faisait grand bien tout à coup. Il était toujours au travail et seul. Abbigail était déjà rentrée. Il avait eu du retard à rattraper et il savait que demain, il perdrait encore du temps pour Kaya. Car s’il y avait une chose dont il était sûr, c’est qu’il allait devenir son client !
Ne crois pas que tes menaces m’impressionnent, Princesse ! Au contraire, tu me stimules !
Il se mit à sourire en signant l’accord passé avec Laurens. Tout allait pour le mieux. Il allait pouvoir passer à l’étape suivante de son plan…
— Merci ! Passez une bonne journée, Madame !
Kaya tendit le ticket de caisse à sa cliente avec un petit sourire. Le travail n’était pas extraordinaire, mais il lui assurait un salaire. Elle ne devait pas se décourager, ce n’était que le deuxième jour. Le temps lui permettrait d’être plus à l’aise. Il y avait tant à penser : bien accueillir le client, passer correctement les articles, bien rendre la monnaie, et toujours avoir le sourire aussi ! Tout un programme fait d’automatismes.
Tu as un salaire, Kaya ! Tu as un salaire à la fin du mois !
La période de Noël avait été une aubaine finalement pour elle, car tous les commerces recrutaient pour pallier l’affluence des clients plus présents pour acheter leurs cadeaux et repas de fêtes. Elle accueillit la prochaine cliente comme une éternelle ritournelle. Une habituée qui lui présenta ses sacs cabas et sa carte de fidélité du magasin tel un rituel incontournable. Elle entama son passage en caisse en tentant de lui rendre le change et amorça une conversation de routine, sur les préparatifs de Noël. Évidemment, il était aisé de lancer une pièce à la dame, ravie qu’on s’intéresse un peu à sa personne. Plus ou moins absorbée par leur conversation, elle ne remarqua pas le prochain client immédiatement. Ce ne fut qu’au moment du paiement, qu’elle tourna la tête et que son visage se décomposa. Son foutu sourire était le pire affront qu’on pouvait lui faire. Il se gratta le nez non sans cacher une certaine joie de la retrouver et de se moquer de ses menaces. Elle se retourna aussitôt vers sa cliente qui retirait sa carte bancaire et respira un bon coup.
Ce n’est qu’un client comme les autres ! Ne te laisse pas perturber ! Il le fait exprès. Sois plus intelligente que son QI bouseux !
Elle remercia sa cliente et se tourna vers le nouveau venu avec un sourire crispé.
— Bonjour Monsieur ! lui dit-elle en tentant de garder de sa prestance et paraître professionnelle.
— Bonjour Mademoiselle ! lui dit-il de façon douce, mais grave.
Kaya regarda ses articles, puis le dévisagea. Il haussa un sourcil, innocent. De la glace vanille, des préservatifs et… des fraises ! Il s’appuya contre le plexiglas où les clients pouvaient poser leur monnaie et lire les recommandations générales du magasin, puis se délecta de sa gêne.
— Les fraises avec de la glace, sur le corps d’une femme, c’est délicieux ! lui déclara-t-il pour faire la conversation de façon pas si anodine que ça.
Une petite dame très âgée, juste derrière lui, poussa un gloussement en entendant ses paroles lubriques. Kaya se mit à rougir outrageusement : elle avait honte. Il lui faisait clairement rappel à leur discussion lors du cocktail d’Agnès B. et ne se gênait pas pour se faire remarquer le plus possible. Autant lui dire qu’il l’invitait à vérifier cette affirmation devant tout le monde ! On ne pouvait pas faire pire dans le genre « rentre-dedans ». Et lui, il continuait à sourire, les yeux brillants d’excitation à la voir aussi mal à l’aise.
Connard !
Kaya passa ses articles en vitesse alors qu’il se retenait de rire en voyant ses gestes tendus et un peu trop mécaniques à son goût. Elle lui annonça le montant à la hâte, bien déterminée à en finir rapidement avec lui. Il se redressa et sortit son portefeuille. Elle se rappela alors qu’elle avait oublié une procédure. Elle pesta, ferma les yeux une seconde et regarda les caméras au-dessus d’elle. Il ne fallait pas rire avec les règles du supermarché : elle était toujours à l’essai.
— Avez-vous… avez-vous la carte de fidélité du magasin ? lui demanda-t-elle alors en bredouillant, le regard fuyant.
Ethan écarquilla les yeux et pouffa. Il se pencha à nouveau au-dessus du plexiglas, l’air interrogateur.
— D’après vous, croyez-vous que je sois fidèle ? En quoi consiste votre fidélité ?
Kaya se passa la main sur le visage, sentant des sueurs froides la saisir. Il allait l’assassiner ! Ce n’était pas possible d’être aussi vicieux dans ses manigances !
Il ne peut pas juste me dire : « Non. Merci. ». Il m’éneeerve !
— Vous gagnez des points lors de vos achats, lui répondit-elle de façon lasse, et vous pourrez ainsi prétendre à des réductions. Il… vous faut remplir ce questionnaire et je vous la donne.
Elle lui montra la petite fiche à remplir. Ethan s’en saisit et la regarda rapidement.
— Et j’ai le droit aussi au service personnalisé de la caissière ? fit-il cette fois-ci de façon plus franche.
La vieille dame derrière gloussa une nouvelle fois. Ethan se tourna vers elle.
— Je trouve que c’est le plus intéressant dans le magasin ! Elle est toute mimi derrière sa caisse !
La vieille dame se mit à rire, visiblement charmée par son aplomb et son côté séducteur.
— Si j’avais quelques années en moins, je serais ravie de vous servir, jeune homme !
Ethan se trouva surpris par les paroles directes de la vieille dame, mais sourit. Il se tourna à nouveau vers Kaya, heureux.
— Bah voilà, même cette dame est d’accord avec moi sur le fait que le plus intéressant est le service après-vente de la caissière !
Kaya serra les dents. Elle s’efforçait de sourire, mais elle avait surtout des envies de meurtre.
Tout ça parce que j’ai eu le droit à son service après-vente, il me le renvoie, tel un boomerang ! Sale crétin vicieux, pervers et manipulateur !
— Désolée, je n’ai pas ce rôle et je suis fiancée.
Ethan expira bruyamment, ne cachant pas sa déception.
Et c’est reparti avec son fiancé ! Elle m’énerve !
Il plissa les yeux, agacé.
— Alors ? lui demanda-t-elle visiblement pressée d’en finir avec ses caprices. Vous remplissez la fiche ou pas ?
Il lui attrapa sèchement son stylo, posé devant elle et commença à remplir sa fiche. Il mettait une certaine hargne à la remplir, appuyant bien à certains moments, masquant difficilement son agacement devant la mention de son fiancé, puis la lui rendit prestement. Kaya l’analysa et se sentit mal en voyant le contenu différent de celui qu’elle attendait. Ethan se mit à sourire en contemplant l’effet de sa réponse sur le visage de sa belle. Il pouvait maintenant se satisfaire de son teint qui blêmissait à vue d’œil.
Vengeance ! Voilà ce que j’en fais de ton fiancé !
Elle le regarda alors, inquiète.
— Tu ne ferais pas ça, hein ? lui dit-elle doucement.
— J’ai envie de jouer, et toi ? lui demanda-t-il, plein de défis.
Elle regarda à nouveau la fiche. À la place de son nom et adresse, les cases remplies indiquaient un tout autre message : « Sois ma cavalière demain soir ou je te fais virer sur-le-champ ! Je veux mon service après-vente ! ».
— Ethan, s’il te plaît… lui supplia-t-elle presque.
— Ma fidélité commence par ce que j’ai l’habitude de faire avec les personnes ! Reste à savoir ce que toi, tu préfères ? Quelle fidélité préfères-tu chez moi ?
Kaya froissa le papier. C’était soit l’habitude de la faire virer, soit celle de continuer ses manigances et la voir accéder à ses requêtes… encore.
— Je te déteste… lui souffla-t-elle.
Elle serra les poings, sentant sa rage d’être si impuissante monter en elle à nouveau. Elle le regarda alors droit dans les yeux.
— Tu es le pire connard au monde !
Ethan se redressa, fier de lui. La vieille dame le regarda, intriguée. Elle n’avait pas tout suivi, bien occupée à décharger son caddy et ne comprenait pas la vulgarité soudaine de la jeune femme.
— Vous avez entendu ! dit-il alors à la vieille dame. Elle m’a traité de connard ! C’est quoi cette femme impolie !
Ethan prit volontairement un ton offusqué et un peu plus fort pour que le scandale prenne son ampleur. Kaya se leva soudainement, voyant déjà comment il allait réussir son coup…
— Non ! cria-t-elle. Je… C’est lui !
La vieille dame secoua la tête négativement. Sa culpabilité ne faisait aucun doute, elle l’avait entendue. Ethan jubilait intérieurement. Le jeu commençait.
— C’est une honte ! Est-ce ainsi que vous considérez vos clients ! continua-t-il vindicatif, malgré un sourire en coin qu’elle lui aurait bien fait bouffer par les narines.
— Mais c’est toi qui me…
— Et en plus maintenant elle me tutoie ! la coupa-t-il pour en rajouter une couche.
Kaya sentit les larmes lui monter aux yeux. Les gens autour les observaient maintenant, interloqués par leur conversation mouvementée. Il était en train de tout faire pour la faire virer. Il n’avait pas le droit. Comment osait-il après tout ce qu’il savait sur ses difficultés ? Son égoïsme l’horrifiait. Malgré tout, elle n’avait pas vraiment le choix. Sa colère envers lui devait rester en elle. Son salaire était le plus important, bien au-delà de sa fierté.
— Pardon… lança-t-elle alors, à bout de nerfs et défaitiste devant son impuissance. C’est d’accord. Arrêête…
Sa voix tremblait. La tonalité de ses mots marquait son abdication. Elle lui accordait sa requête et lui demandait grâce. Ethan soupira, triste de devoir en arriver à cela pour obtenir ses faveurs. Les agents de sécurité arrivèrent devant sa caisse et Kaya paniqua.
— Un problème, Monsieur ? demanda un des deux agents.
Ethan regarda la jeune femme, les yeux baissés et au bord des larmes.
— Non ! Je la taquine parce que je la trouve mignonne ! déclara-t-il tout sourire.
Kaya redressa la tête et l’observa. Il attrapa un nouveau formulaire et le remplit docilement, sous le regard des agents. La vieille dame le regarda faire et sourit.
— Je veux bien de votre carte de fidélité, Mademoiselle. J’ai hâte de voir mes récompenses !
Il lui tendit le nouveau formulaire et sourit. Kaya s’essuya le coin des yeux et lui prit des mains. Elle comptabilisa les points gagnés en passant la carte devant son scanner et la lui donna.
— Chouette ! fit-il innocemment, tout en tendant bien sa carte devant ses yeux. J’ai signé un contrat de fidélité avec ma caissière ! Whouaou ! Une première !
Kaya bloqua devant sa remarque. Elle ne savait plus quoi penser de toute cette histoire. Il lui tendit alors un billet pour payer. Elle s’en saisit, hésitante et tremblante. Il l’avait troublée une nouvelle fois. Elle ouvrit sa caisse pour se saisir de la monnaie à rendre, dans un état second.
— Ne vous trompez pas ! lui dit-il doucement.
Il lui fit alors un clin d’œil comme pour jouer tout à coup les parfaits complices à sa réussite. Elle posa ses pièces avec peine dans la paume de sa main. Il scruta son contenu, surpris par l’émoi évident dans lequel elle restait, puis sourit. Il rangea sa monnaie dans son portefeuille et prit ses trois affaires.
— Merci, jolie caissière ! Bonne journée ! lui dit-il alors, tout en passant entre les deux agents de sécurité.
Kaya n’eut même pas la force de lui répondre. Elle le regarda s’éloigner avec un gros sentiment de fatigue et de confusion. La vieille dame vint se poster à sa hauteur pour son passage. Elle lui sourit en lui tendant sa carte de fidélité.
— Ne vous inquiétez pas, je n’exigerai pas un service après-vente !
Elle lui fit un clin d’œil et toutes deux se mirent à rire, ce qui finit par soulager un peu la lourdeur de son cœur mis à rude épreuve.
Kaya se regarda devant la glace, sceptique. Elle appréhendait cette nouvelle soirée avec Ethan comme jamais. Elle n’avait eu qu’un SMS de lui depuis leur rencontre de la veille, au supermarché.
Sam. 20 Déc. 2014 17:14, Ethan
Je passe te prendre à 19 heures. Sois sur ton 31, mais rien de trop sophistiqué non plus.
Kaya avait bloqué sur son message quelques secondes. Même pas un bonjour, même pas un soupçon de regret et de douceur ni une excuse de sa part sur son comportement. M. Abberline avait parlé, son jouet devait s’exécuter ! Aucune objection possible !
— Connard, connard, connaaard ! Je vais me le faire ! Il me sort par les yeux ! Je vais le fatiguer, l’éreinter, l’user, l’exténuer par tous les moyens possibles jusqu’à ce qu’il me supplie de l’épargner (je ne le violerai pas, ça lui ferait trop plaisir !). Là, je le torturerai, le martyriserai, le défigurerai, puis je le décapiterai, mutilerai son sale sourire sournois, je le tailladerai de partout pour rendre son corps plus harmonieux. Enfin, je le découperai en rondelles, je le charcuterai tel un bout de viande, je le tuerai, je l’exterminerai une bonne fois pour toutes, je l’anéantirai, je l’éradiquerai de la surface de la planète, je le supprimerai définitivement. Je le ruinerai afin que plus personne ne se souvienne de son nom !
Essoufflée après ce monologue aux allures de promesses, Kaya se sentit remotivée devant son miroir. Cette idée lui faisait un bien fou !
Ouep, je vais le massacrer ! Tu es un homme mort, Abberline ! Mon plan est infaillible !
Elle avait encore beaucoup de mal à avaler la pilule de la veille. Son stratagème diabolique lui restait en travers de la gorge. Il se moquait bien d’elle. Seuls ses connards d’objectifs prévalaient. Peu importaient ses difficultés tant que lui trouvait satisfaction.
— C’est la dernière soirée que je passe avec toi ! déclara-t-elle à son reflet comme pour répéter sa tirade devant lui et se persuader de ses propres objectifs. Tu m’as eue une fois, tu ne m’auras pas deux fois.
Comment ai-je pu coucher avec un type pareil ?!
Après un moment de vaillance, elle laissa pourtant retomber ses épaules de lassitude. Elle se trouvait démunie devant cet homme. Il n’y avait pas plus déconcertant. Elle savait pourquoi elle avait craqué. Ses mains sur ses hanches, sa langue mêlée à la sienne, ses coups de reins…
— Raaaaahhh ! Je te déteste !
La sonnette retentit alors. Elle souffla, voyant que sa venue était loin d’être reportée.
Courage…
Quand elle ouvrit sa porte d’entrée, il se trouvait bien là, pantalon noir et chemise blanche, petit pull gris par-dessus et son manteau. Bien habillé, mais pas non plus aussi classe que s’il portait un costume. Elle regarda sa petite robe noire et compara son look au sien.
Ça ira…
— Très mignon tout ça ! fit-il avec un petit sourire séducteur. Bonsoir !
Elle prit sa pochette de soirée et son manteau dans un silence d’outre-tombe, froid, glacial même, sans l’ébauche d’un moindre sourire sur ses lèvres, puis elle ferma la porte d’entrée. Ils prirent l’ascenseur dans cette ambiance hostile. Ethan la fixa du coin de l’œil avec un petit sourire crispé. Il redoutait un peu sa venue. Il savait qu’elle serait d’humeur exécrable après sa prestation au supermarché digne d’un Oscar. Il n’avait pas eu beaucoup de temps pour s’expliquer avec elle. Le boulot l’avait rattrapé et il devait tout remettre en ordre avant les vacances de Noël avec les premiers résultats de Magnificence. Et son SMS expéditif n’avait pas dû arranger les choses. En même temps, il se voyait mal s’excuser aussi impersonnellement avec un SMS.
Ni même m’excuser tout court, en fait.
C’était aussi à cause d’elle s’il était obligé d’en arriver à de telles extrêmes. Il savait très bien qu’une simple demande aurait fini à la poubelle. Et il voulait absolument saisir l’opportunité de cette soirée pour passer du temps en sa compagnie. Très vite, ils sortirent de l’immeuble et se retrouvèrent dans la Corvette C7 d’Ethan. Kaya attacha sa ceinture mécaniquement et regarda droit devant elle. Elle était tendue. Pire, elle bouillonnait intérieurement. Il devait désamorcer la pression avant que cela dégénère en public. Il se coucha sur son volant et la regarda, la tempe contre ses mains. Il décida de ne pas la quitter des yeux tout en conservant son silence, jusqu’à ce qu’elle s’intéresse à lui. Kaya commença à agiter sa jambe dans un mouvement de va-et-vient tonique, puis finalement craqua et répondit à son attente. Elle tourna la tête vers lui et ne cacha pas sa colère. Son regard aurait pu le transpercer si ses yeux avaient été des épées !
— Tu comptes tirer ta tronche de Princesse en colère toute la soirée ? lui fit-il alors, presque amusé.
— Va te faire foutre !
Ça, c’est dit ! Passons à la suite…
— OK, je vais y songer ! Ensuite ?
— Comment as-tu pu me traiter ainsi ? Tu es horrible ! Je ne veux plus te voir ! J’en ai marre de tes chantages, tes manipulations, tes sourires sournois. C’est la dernière fois que je passe du temps avec toi !
— C’est bon ? Fini ? demanda-t-il en se redressant. Je n’avais pas le choix ! Tu trouves tous les prétextes possibles pour m’éviter.
— C’est de ma faute en plus !? s’offusqua la jeune femme. C’est vrai que tu ne sais pas demander normalement… bougonna-t-elle en y repensant.
— Ne me fais pas croire que tu m’aurais dit oui, si je te l’avais demandé normalement ! s’agaça-t-il maintenant. Tu fais tout pour que j’en arrive là ! Depuis le zoo, tu me mets volontairement à distance. À croire que tu ne me remarques que lorsque je me comporte comme un vrai connard avec toi !
Folle de rage, Kaya serra le tissu de sa jupe au point que ses doigts en devinrent blancs. Sa volontaire distance devenait prétexte au comportement de son persécuteur.
On aura tout entendu !
Ethan tourna sa tête à l’opposé de Kaya, cherchant une solution à leur désaccord. Vu comme c’était parti, ils allaient droit dans le mur.
— Pourquoi insistes-tu de cette façon ? lui demanda-t-elle alors, au bout de quelques secondes, affectée après tous ces reproches qu’elle n’estimait pas mériter et où chacun tentait de comprendre l’attitude de l’autre. Je ne peux rien t’apporter.
Ethan soupira. Il posa à nouveau ses mains sur le volant et se pencha dessus. Il regarda au loin comme s’il cherchait lui-même la réponse.
— Cette soirée… te fera du bien, comme à moi.
Il se redressa à nouveau sans plus d’explications et démarra la voiture. Kaya l’observa faire, peu satisfaite de sa réponse pour le moins succincte et énigmatique. Elle avait envie de lui répondre qu’elle n’avait pas besoin de lui pour se faire du bien, mais elle se retint, sachant pertinemment que leur nuit ensemble pouvait être une preuve du contraire. Et s’il y avait bien une chose dont elle voulait éviter de parler, c’était bien de leur câlin nocturne avant son départ. Ethan ne semblait pas vouloir non plus s’étaler davantage sur les raisons de son insistance. C’était étrangement ce qui l’agaçait. Malgré sa ferme intention de l’écarter de sa vie, elle se trouvait curieuse du comportement qu’il adoptait avec elle, si engagé, si provocateur, si déroutant. Parfois, elle s’imaginait qu’il éprouvait des sentiments pour elle. Mais très vite, elle effaçait cette possibilité.
On ne fait pas des misères à la femme qu’on aime !
Admettre de quelconques sentiments entre eux serait problématique. Elle ne saurait comment réagir. Voilà où était la vérité…
Si ! Tu sais ! Tu dirais non !
Kaya soupira alors, même plus convaincue de ce qu’elle ferait si vraiment cela se produisait. Elle espérait pouvoir un jour le comprendre, rien qu’en le regardant. Une vision un peu idyllique de leur relation sans doute, mais de temps en temps, les non-dits sont bien préférables.
Tu es tellement insaisissable, Ethan…
Elle baissa les yeux sur ses mains qui avaient relâché sa robe. Se faire du bien. Le deal qu’il lui avait proposé plusieurs fois. Juste se faire du bien mutuellement pour apaiser leurs manques et leurs craintes… Il n’avait que cela en tête ? Quel bien recherchait-il, lui ?
— Où va-t-on ? demanda-t-elle pour radoucir la tension.
— Ce n’est pas un gala ou un cocktail. C’est… différent.
Ethan put sentir son air interrogateur et grommela à devoir s’expliquer.
— Nous allons fêter Noël…
Kaya écarquilla les yeux, ne s’attendant pas à ça.
— Je ne fête pas Noël. Il me semble te l’avoir déjà dit, non ?!
— C’est… pour des orphelins… lui répondit-il, visiblement gêné.
— Pardon ?
Ethan tapota nerveusement le volant tout en conduisant. Il n’osait pas la regarder. Il sentait déjà son scepticisme et sa surprise envahir le véhicule.
— Chaque année, je vais fêter Noël avec les gamins de l’orphelinat. C’est un endroit qui m’est cher. Mes parents – les Abberline – y ont travaillé en étroite collaboration pendant plusieurs années. Je suis venu souvent avec eux plus jeune pour y passer la journée. Et depuis, j’y retourne de temps en temps. Ce n’est pas tant l’ambiance des fêtes que je cherche, mais juste les voir, eux.
Un long silence s’en suivit, après cette révélation pour le moins surprenante de la part du connard qui avait encore tenté de la faire virer plus tôt.
— Ne me regarde pas comme ça ! C’est très gênant ! lui déclara-t-il alors, bougon et extrêmement gêné par le regard insistant et incrédule de Kaya.
Kaya sortit alors de sa torpeur et se mit à rire.
— Et maintenant, il veut me faire croire que M. Connard ne l’est qu’avec moi en se déculpabilisant avec des enfants !
— Quoi ! dit alors Ethan, désarçonné.
La voiture fit un écart, matérialisant le désappointement d’Ethan devant le jugement erroné et peu flatteur que la jeune femme faisait de lui et de ses intentions, puis la redressa aussitôt d’un coup de volant. Kaya s’accrocha à la voiture, surprise et effrayée par sa réaction.
— Ça va ! Je rigole ! cria-t-elle tout en restant crispée sur le tableau de bord.
— Je ne cherche pas à me faire déculpabiliser. Tu n’as que ce que tu mérites. Si tu ne m’agaçais pas autant parfois, je pourrais être…
Il arrêta net sa phrase, réalisant qu’il s’apprêtait à lui dire qu’il pourrait être gentil avec elle.
Encore une fois, faut que j’en revienne à ce constat avec elle ! Putain, mais arrête avec ça, mec ! La gentillesse… mène à la douleur…
Il serra son volant, fâché de devoir se reprendre constamment sur ses évidences depuis qu’il la connaissait. Toutes ses craintes deviendraient presque anodines en sa présence.
— Tu pourrais être quoi ? répéta-t-elle alors pour connaître la suite.
Il jeta un œil vers elle, troublé, puis regarda à nouveau l’horizon.
— Plus conciliant.
Voilà, c’est mieux ! Pas gentil ! Conciliant, c’est déjà pas mal ! Bien rattrapé !
Kaya loucha presque, en entendant la grandeur de sa prétention, comme si Monseigneur Connard lui faisait déjà grâce de son comportement rebelle, comme si son propre changement d’attitude avec lui pouvait nuancer légèrement sa noble indulgence.
Comme s’il connaissait le sens du mot conciliant…
Ils arrivèrent bientôt devant le bâtiment. Ethan tourna dans le quartier pour trouver une place où se garer.
— Ce sont des orphelins de la police ? s’étonna Kaya en lisant la plaque de présentation du lieu, une fois arrivés devant.
Ethan lui attrapa la main et la conduisit vers l’entrée.
— Oui. Tous ont eu leurs parents décédés dans l’exercice de leur fonction ou en dehors et n’ont pas eu la possibilité d’être recasés dans leur famille… Il y a aussi des enfants de militaires…
Tous deux entrèrent dans le bâtiment et arrivèrent dans une grande salle décorée de guirlandes et d’un grand sapin. Kaya se cacha derrière Ethan, incertaine du comportement à adopter. Des enfants de tous âges étaient en train de jouer partout, pendant que plusieurs personnes s’activaient autour des buffets. L’arrivée d’Ethan ne passa pas inaperçue.
— Ethan ! cria un petit garçon d’environ huit ans. Eh ! Ethan est arrivé ! hurla-t-il à ses amis avec joie.
Un mini raz de marée humain ponctué de petits cris foncèrent sur le PDG qui se mit à rire et à accueillir comme il put le déferlement de bonnes intentions. Trois garçons lui sautèrent dessus, alors que deux petites filles s’accrochèrent à chacune de ses jambes, manquant de le faire tomber.
— Salut les mioches ! lança-t-il en portant un garçon d’environ cinq ans sur son dos, pendant qu’il avait les deux autres sous chaque bras.
Les enfants à côté sautèrent de partout et crièrent leur joie de le voir, au grand étonnement de Kaya, abasourdie par tant d’élans affectifs envers lui.
— Tu vas jouer avec nous, hein ? lui demanda celui qui s’accrochait à son cou de toutes ses forces.
— Ouiii, je passe la soirée avec vous ! répondit-il tout en riant.
— Bonjour Ethan ! Ravie de te voir.
Une femme d’une soixantaine d’années vint vers eux et sourit à Ethan.
— Bonjour Michèle. Comment allez-vous ? répondit Ethan en essayant de se débarrasser des avortons « pots de colle ».
— Très bien, je te remercie.
Elle lui sourit poliment et nota la présence de Kaya derrière lui, mal à l’aise.
— Bonjour ! lui fit la vieille femme d’un air bienveillant. Je ne pense pas avoir eu le plaisir de vous avoir déjà rencontrée…
Ethan tourna la tête vers Kaya et souffla. Il avait presque oublié qu’il n’était pas venu seul.
— C’est qui la Madame, Ethan ? demanda une petite de six ans, avec des couettes, qui tenait son pantalon comme si sa vie en dépendait.
Ethan se dégagea, attrapa alors la main de Kaya et plaça la jeune femme devant lui, pour que tous puissent bien la voir.
— Voici Kaya !
— C’est ta chérie ? s’inquiéta visiblement une fille d’une dizaine d’années.
Ethan et Kaya se regardèrent un instant.
— Pas moyen ! firent tous deux en chœur.
Devant le regard incrédule des enfants et de Michèle, Ethan se sentit obligé de s’expliquer.
— C’est… une enfant perdue que j’ai ramassée devant l’entrée ! rétorqua-t-il nonchalamment.
Tous fixèrent Kaya de la tête aux pieds avec une grosse touche d’incrédulité. Kaya, elle, se contenta de frapper Ethan à l’épaule pour répondre à l’énormité qu’il venait encore de sortir.
— Je ne suis pas perdue ! Je suis… Qu’importe ! Enchantée…
— Juste un peu paumée… Il faut la remettre sur le droit chemin, les mioches ! fit Ethan, d’un air dramatique exagéré. Je vous la confie pour juger ses torts. Elle est infecte avec moi !
Un clin d’œil séducteur à son auditoire et l’affaire était réglée. Les gamins s’agglutinèrent autour de Kaya, devant le sourire sournois d’Ethan.
— Qu’est-ce que tu as fait de mal ? demanda une petite de quatre ans. Il faut la punir ? s’interrogea-t-elle auprès de ses aînés.
— Noon ! J’ai rien fait ! commença à se défendre la jeune femme, paniquée.
— Je propose un jugement ! déclara Sophie, une gamine de neuf ans. On verra en fonction !
— Ne dis pas de bêtise, Sophie. Ça ne doit pas mériter un jugement au tribunal des enfants ! relativisa un gamin d’une douzaine d’années comme s’il en avait fait bon nombre.
Inquiète de ce qu’on lui réservait, Kaya appela Ethan à l’aide silencieusement.
— Elle a été trèèès méchante avec moi ! ajouta-t-il pour enfoncer le clou à sa sentence. Je pense que ça se justifie !
— Quoi !? fit Kaya, qui cette fois-ci s’agaça.
Connaaaard ! Qu’est-ce que tu racontes encore !
— On l’embarque ! déclara alors un petit de sept ans.
— Ouaiiiis ! crièrent les gamins en chœur.
— Parler est libérateur. Accepter ses erreurs est le début du pardon ! fit une gamine avec un regard dur, comme si elle répétait le sermon des adultes qui l’éduquaient.
Les enfants poussèrent sans ménagement vers l’intérieur de la salle Kaya qui souffla alors un « je te déteste ! » à son persécuteur et n’en mena pas large devant cette horde de gamins.
— C’est bien la première fois que je te vois venir ici avec quelqu’un ! déclara Michèle tout en voyant des chaises se poser autour de l’accusée.
Ethan baissa les yeux, visiblement conscient que cela ne lui ressemblait guère.
— Qui est-ce ? osa alors demander Michèle, consciente que le terrain demeurait glissant pour quiconque s’y aventurait.
— C’est… une princesse ! lui répondit-il avec un petit sourire tendre.
Michèle n’insista pas. Elle connaissait Ethan depuis suffisamment longtemps pour savoir qu’il n’était pas du genre à montrer facilement une affection envers quelqu’un. Pourtant, elle pouvait deviner que cette femme avait une réelle importance à ses yeux pour qu’il l’amène jusqu’ici et la nomme de cette façon. Son attitude énigmatique lui paraissait claire : il cherchait lui-même des réponses.
— Ils vont la dévorer toute crue si vous la laissez avec eux ! lui dit-elle alors, tout en voyant Kaya en train de se défendre devant tous ces enfants assis autour d’elle.
Ethan se mit à sourire en voyant la scène. Une étrange familiarité lui sauta aux yeux.
— C’est elle qui va les dévorer tout cru ! Regarde !
Michèle observa plus attentivement. Kaya semblait effectivement leur raconter quelque chose qui captait son auditoire au fur et à mesure. La vieille femme regarda ensuite Ethan, toujours en train de l’épier de loin avec un sourire fier qui la surprit un peu. Son regard était brillant, vif, mais aussi chargé d’une admiration et d'une tendresse à peine masquée. Elle sourit de le voir ainsi. Il semblait heureux. Un homme d’une cinquantaine d’années vint vers eux.
— Bonjour Ethan.
— Bonjour mon Père. La soirée s’annonce plutôt bien.
— Oui, c’est toujours un stress pour moi, mais je suis heureux de voir leurs sourires. C’est aussi grâce à toi.
— Ce n’est rien, répondit Ethan, une lueur légèrement affectée dans les yeux en regardant ces enfants perdus. Je n’étais pas un orphelin, mais ma vie était tout comme. Je ne peux que comprendre le bonheur d’avoir un cadeau sans devoir un retour…
Michèle et le Père Clément ne répondirent rien à ce constat. Ils savaient que certaines blessures pouvaient rester gravées à vie dans le cœur d’un enfant. Celles d’Ethan étaient profondes. Pourtant, aujourd’hui, ils étaient heureux de voir ses progrès et les bienfaits de la famille Abberline sur lui.
— Et bien ! Je vois qu’il y a de l’ambiance ici !
Tous se retournèrent vers l’entrée pour regarder qui venait de les interrompre.
— Oliver ! s’exclama Michèle, sensiblement ravie.
Elle le prit dans ses bras et l’embrassa sur la joue.
— Bonjour tout le monde. Oh ! Tu es déjà là, Ethan !
— Oui, comme tu vois…
Oliver grimaça devant sa réponse, lui faisant noter l’absurdité de sa remarque.
— Et il n’est pas venu seul ! fit constater Michèle d’un signe de tête vers les enfants tous assis.
— Tu es venu avec Kaya ? s’étonna-t-il alors en remarquant qu’elle était l’objet de leur attention.
Ethan se frotta la tête, gêné. Il ne lui avait pas mentionné sa venue plus tôt dans la journée, car il avait douté jusqu’à la dernière minute qu’elle accepte de le suivre, sachant la façon dont il avait obtenu son accord.
— Oui… lui répondit-il sans plus s’étendre sur le sujet.
— Tu la connais aussi ? s’étonna une nouvelle fois Michèle.
— Oui, répondit Oliver d’un air un peu amusé. Kaya est… comment dire… le nouvel objet de torture d’Ethan !
Ethan le regarda un instant en réfléchissant à ses propos.
Un objet de torture… pour elle ou pour moi ?
— Comment vas-tu, Oliver ? demanda le Père Clément.
— Bien. Ethan est toujours un tyran, mais je survis !
— Espèce de…, lança Ethan, peu amène d’accepter cette critique. Je ne fais que diriger le bateau pour arriver à bon port.
— De toute évidence, si vous êtes encore amis aujourd’hui, c’est bien parce que vous savez accepter les qualités et les défauts de l’autre ! rétorqua le prêtre.
— Et dire que ces deux-là se battaient tout le temps au début…
Michèle s’attrapa l’arête du nez, fatiguée rien qu’en repensant aux mauvais tours auxquels elle avait eu droit à cause de leur fichu caractère de bagarreurs. Ethan et Oliver se regardèrent et sourirent, en se remémorant leur passé commun. Une sorte d’espièglerie ressortit de cette silencieuse connivence.
— C’était de sa faute ! lança Oliver, catégorique, mais amusé à l’idée de mettre le feu aux poudres. Il m’énervait avec son mutisme à deux balles !
— Quoi ! fit Ethan sidéré, mais rentrant toutefois dans son jeu. C’est toi qui me gonflais à te donner un genre avec ton joint et ton caractère de chiotte !
— Tu peux parler, Monsieur Taciturne qui détestait la terre entière !
— Vous étiez deux catastrophes ensemble ! lança Michèle, exaspérée, mais sévère. Et vous n’êtes toujours que de sales garnements ! Est-ce clair ?!
Ethan et Oliver se lancèrent simultanément un juron et sourirent, tels deux gamins venant de prendre un soufflon par la maîtresse d’école. Cette parodie grotesque fit rire le Père Clément qui trouva leur prestation remarquable. Il devait bien admettre que le temps avait passé, mais qu’il était heureux de pouvoir suivre encore leur évolution malgré les changements opérés en eux.
— Je vais saluer Kaya ! bougonna Oliver, avec un petit sourire de défi à son meilleur ennemi, histoire d’alimenter encore leur petit jeu.
Ethan voulut y répondre, mais se retint. Oliver lui fit un signe d’adieu provocateur, qui fit presque pester Ethan devant le Père Clément et Michèle, surpris du sujet du nouvel affront. Toutefois, partir sur le terrain « Kaya » signifiait jouer lui-même avec le danger de révéler ce qui ne devrait même pas être pensé ; la jalousie. Il jeta un coup d’œil à ses deux spectateurs presque amusés, et finalement le laissa faire, à contrecœur.