Bonjour à tous !
Chapitre 7 !
Et de deux !
Enjoy !
©Jordane Cassidy – 2022
7
La force de l’aveu,
le pouvoir de la parole.
Depuis que Mills lui avait soufflé la possibilité de la confession comme déversoir de ses tristesses, de ses peurs et de ses doutes depuis son arrivée à Althéa, elle se sentait plus sereine. Un prêtre pouvait lui être de bons conseils et ne la jugerait pas. Du moins, elle l’espérait. Il y avait toujours des hommes de Dieu corrompus, mais elle ne pensait pas que ce soit le cas ici.
Elle avait donc demandé que Sampa l’accompagne à l’extérieur du château. Il avait fallu réorganiser son planning pour le faire remplacer à la garde de l’entrée du château. Elle ne souhaitait pas un autre soldat ou un autre chevalier dont elle ne pouvait juger la fiabilité complète. Elle demeurait méfiante, et Sampa était l’un des rares sur qui elle avait ce sentiment de confiance. Son acte d’opposition face au Duc pour le sauver avait eu du bon, car elle avait réussi à se trouver un nouvel allié.
Même si la distance entre le château et l’église était ridicule, elle préférait éviter une nouvelle effusion de sang à cause de son envie d’indépendance. Elle avait donc sollicité l’aide de Mills pour défaire Sampa de ses fonctions de garde de la porte d’entrée pour qu’il devienne l’un de ses soldats de sortie. Mills comprit sa démarche à vouloir s’appuyer sur une personne qu’elle connaissait. Il trouva ainsi un autre garde et l’avertit que, en rapport avec son statut de duchesse, il lui faudrait un chevalier pour sa sécurité plutôt qu’un simple soldat s’il lui venait à vouloir aller plus loin. C’est ainsi qu’elle apprit que Sampa était un tout jeune soldat et que la garde de l’entrée était déjà un grand gage de confiance en ses compétences. Sampa se trouva honoré de la servir, mais au fur et à mesure qu’ils s’éloignaient des escaliers de l’entrée du château, elle avait vite remarqué son inquiétude grandir. S’il lui arrivait quelque chose, au-delà de sa vie qu’il lui devait, il pourrait avoir affaire au courroux du Duc et ils avaient tous les deux une idée de ce à quoi pourrait ressembler sa colère si un malheur venait à lui tomber dessus. Faisant fi d’une certaine distance voulue par le protocole entre une noble et un soldat, elle s’accrocha donc à son bras, à la fois pour le rassurer et pour asseoir sa mission de sécurité jusqu’à l’église.
L’église était très sobre dans sa présentation. Rien à voir avec la cathédrale de la capitale d’Avéna qu’elle avait eu l’occasion de visiter. Cependant, elle avait de très beaux vitraux de chaque côté, laissant passer la luminosité et donnant un côté très chaleureux, malgré le silence conférant au lieu quelque chose de solennel. Sampa s’assit alors en bout de rangée pour l’attendre tandis qu’elle se dirigeait vers le confessionnal.
Elle attendit cinq bonnes minutes avant que le prêtre la rejoigne.
— Bonjour mon enfant. Le Seigneur vous écoute.
— Bonjour, mon Père. Je viens à vous parce que… j’ai pêché d’orgueil.
Aélis jeta un œil à travers le grillage la séparant du prêtre. Elle pouvait deviner sa silhouette, mais les trous restaient trop petits pour en souligner les détails du visage de l’homme d’Église.
— L’orgueil… Aaaah ! C’est le péché le plus discutable en mon sens. On peut perdre toute moralité, tout sens éthique ou même tout bon sens par un trop-plein d’orgueil et c’est certes un mal, mais il peut aussi développer votre force de caractère et votre intuition. Il peut aussi vous construire positivement. En quoi estimez-vous qu’il y ait péché dans votre cas ?
— Mon père, ma situation est délicate.
— Je vous écoute.
— Je dois être mariée à un homme que je n’aime pas, qui a la réputation d’être effrayant et sans cœur. Jusqu’à présent, j’ai tenté de garder un visage imperturbable, pour montrer combien je pouvais être forte, fiable, digne des attentes qu’on avait à mon sujet, et ce, malgré la peur de l’inconnu avec cet homme… mais hier, mon orgueil de vouloir être écoutée, entendue, considérée, m’a fait tenir tête à mon futur mari au sujet de quelque chose qui me semblait important de défendre et je crois que cette vague d’orgueil va aujourd’hui me coûter plus cher que si je m’étais agenouillée ou m’étais tue.
Le prêtre réfléchit avant d’émettre un avis.
— Peut-on parler d’orgueil lorsque l’on tend à défendre une opinion ? Est-ce faire preuve d’orgueil si ces convictions ont une légitimité, une cohérence, une pertinence pouvant changer l’ordre établi ? On ne peut pas toujours aller contre ses convictions. Elles font aussi notre personnalité. Si vous avez estimé que ce que vous nommez « orgueil » servait une bonne cause, alors il n’y a pas à regretter. Est-ce le cas ?
Aélis se tritura les doigts.
— Je me suis opposée à l’exécution d’un homme. Donc j’estime que c’est une raison valable de m’opposer à mon mari. Seulement, j’ai aussi mis en doute son commandement.
Quelques secondes de silence suivirent avant que le prêtre reprenne.
— Notre Seigneur Tout-Puissant ne vous punira pas de votre acte. Risquer sa vie pour sauver celle d’une autre personne est un acte plus que louable. Il vaut mieux sauver que tuer. Tuer est le plus grand des péchés. Vous avez aussi sauvé votre mari du châtiment divin en même temps que cet homme.
— Je crains que mon mari ne soit plus un homme à sauver. Il a déjà ôté des vies.
— Il faut aussi des hommes de main au service de Dieu pour punir les criminels.
Aélis se tourna vers le prêtre, plutôt abasourdie par ses propos allant à l’encontre du droit à la vie pour tous et d’un Dieu, symbole de vie et de paix.
— L’essentiel finalement n’est-il pas que cette fois-ci deux hommes aient pu éviter un châtiment ? reprit le prêtre.
Aélis secoua la tête pour tenter de reprendre le fil de leur discussion.
— Sans doute. Seulement, j’ai peur aujourd’hui de mon mari, plus qu’avant. J’ai tendance à penser que sauver une vie a mis ma propre vie en sursis.
— Un mari n’a pas d’intérêt à tuer sa femme. Un mariage est avant tout un acte de réunion, non de séparation. Démontrez à votre mari que votre geste n’était pas contre lui directement, mais pour la sauvegarde d’une vie, pour quelque chose de plus universel. Parlez-lui de ce que vous ressentez. Cette divergence peut devenir un prétexte pour vous rapprocher et effacer cette peur initiale. Il n’est jamais trop tard pour contrebalancer votre orgueil par de la tendresse, de l’amour, du partage et assainir la situation.
Aélis s’esclaffa.
— De l’amour et du partage ? Avec lui ? On voit bien que vous n’avez pas idée de qui est mon mari !
Elle rigola bien en pensant à cette possibilité grotesque. Le prêtre ne s’en offusqua pas et approfondit son idée.
— L’amour apparaît là où on ne l’attend pas. Dieu accorde toujours sa bénédiction à ceux qui font un acte de bravoure et ont un esprit sain. Je suis persuadé qu’il vous récompensera tôt ou tard pour cela. Il n’y a pas de don de soi sans retour. Soyez patiente, ouverte aux signaux de Dieu et tentez de limiter l’orgueil en vous. Vous verrez, tout ira bien. Commencez par vous excuser auprès de votre mari d’avoir bravé son courroux et dites-lui que ce n’était pas contre lui personnellement, mais plutôt pour une cause qui vous semblait importante. La discussion amène souvent à des solutions. Laissez votre cœur parler !
Aélis grimaça. Parler pour dissiper ses peurs. Cette solution lui semblait une cause tout aussi perdue que le pardon de Dieu pour les actes mortels de son mari.
— Très bien, mon Père… Si un jour, il daigne me parler, j’y songerai.
— Ne vous découragez pas. La vie est faite de tests. Votre mari est une épreuve de Dieu pour vous guider vers la paix et le bonheur. Récitez trois fois « Notre père » et respirez ! Allez le trouver et débloquez cette situation qui vous mine. Dites-lui ce que votre cœur souhaite entendre.
— Bien, mon Père. Merci pour vos conseils. Je vais en prendre attention.
Aélis sortit du confessionnal avec un sentiment bizarre dans le cœur. On disait souvent que les voix de Dieu étaient impénétrables ; elle devait avouer qu’elle n’avait pas vraiment compris quelle voix elle devait entendre, hormis celle de l’ouverture à la parole. Parler à son mari pour désamorcer son envie de lui planter une épée dans le cœur ? Elle doutait que cela suffise tant sa relation avec le Duc avait mal démarré.
Elle s’en alla retrouver Sampa d’un pas indécis. Elle avait comme l’impression d’avoir raté quelque chose. Ils sortirent de l’église et Sampa remarqua sa contrariété.
— Vous ne semblez pas heureuse, Madame ? lui dit-il alors.
Tout va bien ?
— Connaissez-vous le prêtre de cette église, Sampa ? Lui avez-vous déjà parlé ?
— Pas personnellement, mais le prêtre Cléry est très connu ici.
Tout le monde l’admire et se sent en sécurité avec lui.
— Vraiment ?
Son étonnement surprit un peu Sampa.
— C’est un homme d’Église. Pourquoi n’y aurait-il pas homme plus sûr, sécurisant, que lui ? Il vous a dit quelque chose de déplaisant ?
— Non, pas vraiment… Disons qu’il a répondu comme un prêtre…
— Dans ce cas, qu’est-ce qui vous chagrine ?
— Je ne sais pas… Peut-être en attendais-je autre chose…
— Autre chose ?
Sampa se mit à rire.
— Vous étiez en confessionnal, Madame ! Il ne pouvait faire autre chose que vous conseiller !
— Oui, vous avez raison. Que peut faire un prêtre hormis prêcher ?
Sampa la dévisagea à nouveau.
— Vous semblez un peu réticente au fait religieux ? N’êtes-vous pas croyante ?
— Disons que dernièrement, je suis un peu fâchée contre le Tout-Puissant. On ne peut pas dire qu’il m’épargne !
Sampa lui sourit.
— Vous n’avez donc aucune idée de qui est le prêtre Cléry ?
Cette fois, c’est Aélis qui resta circonspecte devant lui. Sampa lui sourit mystérieusement.
— Vous le saurez bien assez tôt puisque vous allez devenir la Duchesse d’Althéa… Croyez-moi, le prêtre Cléry est un homme de foi qui fera tout pour votre bien.